
Plus d’un an et demi après avoir posé ses valises sur le quai de la gare d’Orsay, Christophe Leribault, président de l’Établissement public des musées d’Orsay et de l’Orangerie, entend désormais passer à la vitesse supérieure. Alors que l’institution se prépare à célébrer en 2026 son quarantième anniversaire, il lance de grands travaux et un ambitieux réaccrochage des collections. Un seul mot d’ordre : « que ce musée du XIXe siècle continue d’enchanter le XXIe ».
Propos recueillis par Olivier Paze-Mazzi.
Comment définiriez-vous ce nouveau projet muséographique ?
Nous ne souhaitons pas qu’Orsay soit uniquement le musée de l’impressionnisme que les touristes viennent découvrir ! Notre projet est de recontextualiser historiquement, économiquement et socialement les collections afin de mieux faire comprendre la création artistique de la seconde moitié du XIXe siècle, mais aussi la modernité de cette période allant de 1848 à 1914 marquée par un grand optimisme et une inventivité frénétique. Nous souhaitons aussi montrer aux visiteurs que nombre de nos questionnements contemporains y puisent leur origine ! À partir du courant de l’année 2024, des salles d’introduction repensées permettront de mieux regarder et donc de mieux profiter de ces collections. Cette nouvelle muséographie passera par un important réaccrochage de nos collections qui a déjà commencé, puisque nous avons consacré une salle à la guerre de 1870 et à la Commune et dédié de nouveaux espaces à l’urbanisme haussmannien. Tout sera terminé fin 2026 pour les 40 ans du musée. Nous voulons enfin accueillir un public élargi en étoffant l’offre de médiation, de spectacles, les activités pour les enfants… La visite doit vraiment constituer une fête pour les visiteurs !

Quels grands travaux allez-vous conduire ?
Réinventer l’accrochage serait insuffisant sans revoir les conditions d’accueil des visiteurs. Afin de fluidifier les flux et d’améliorer l’expérience de visite, nous allons donc repenser entièrement entre 2025 et 2027 les entrées et proposer une sortie plus cohérente côté Seine, le tout sans jamais fermer nos portes au public. Ces chantiers auront également une dimension patrimoniale, puisqu’ils permettront de mettre en valeur la belle architecture du bâtiment d’origine, inauguré pour l’Exposition universelle de 1900, en dégageant ses magnifiques halls d’accès. Les travaux concerneront aussi le musée de l’Orangerie : nous prévoyons d’y aménager de nouveaux espaces éducatifs à partir de septembre 2023 ; l’entrée sera également revue à l’horizon 2025.

Un troisième volet plus scientifique devrait par ailleurs voir le jour…
Nous allons en effet installer le Centre de Ressources et de Recherches – Daniel Marchesseau dans l’hôtel de Mailly-Nesle, quai Voltaire, que nous sommes en train de restaurer. Il devrait accueillir dès 2027 sur 2 000 m2 chercheurs et enseignants français et étrangers, organiser des colloques et continuer de proposer des bourses aux étudiants qui consacreront leurs recherches au XIXe siècle. Leurs travaux alimenteront la recontextualisation des collections.

Pouvez-vous esquisser les temps forts de la programmation à venir à Orsay et à l’Orangerie ?
Nos musées ont la chance de pouvoir couvrir une période certes restreinte, mais incroyable de créativité ! Nous avons toujours à cœur d’alterner de grandes expositions blockbusters, à l’image de « Manet / Degas » qui a déjà attiré près de 450 000 visiteurs, et la remise en lumière d’artistes moins connus mais tout aussi passionnants. Nous mettrons ainsi à l’honneur à la rentrée l’œuvre du peintre lyonnais Louis Janmot (1814-1892), avant de retracer en peintures les deux derniers mois de la vie de Van Gogh à Auvers-sur-Oise, une exposition événement conçue en partenariat avec le Van Gogh Museum d’Amsterdam. Des rendez-vous avec des artistes contemporains comme Peter Doig (automne 2023) et Nathanaëlle Herbelin (printemps 2024) attendront également le public. En 2024, avant de fêter Gustave Caillebotte en grande pompe, nous célébrerons les 150 ans de la première exposition impressionniste de 1874. Cet événement nous offrira l’occasion de mettre en place une exposition immersive tout à fait originale qui permettra au visiteur de découvrir les tableaux impressionnistes tels qu’ils furent montrés cette année-là dans l’atelier de Nadar, boulevard des Capucines. Le musée de l’Orangerie mettra de son côté à l’honneur Modigliani dès le 20 septembre, avant de s’intéresser en 2024 à l’œuvre de l’artiste américain Robert Ryman, disparu il y a cinq ans.

Pour conclure, un mot sur l’actualité : une toile de Monet prêtée par Orsay au musée de Stockholm a été prise pour cible hier par des militants écologistes qui l’ont badigeonnée de peinture rouge avant d’y coller leurs mains. Des dégâts sont-ils à déplorer ?
Des constats ont été effectués ce matin sur Le Jardin de l’artiste à Giverny que nous présentons au sein d’une remarquable exposition du musée de Stockholm consacrée à la Nature. Ils ont révélé que le tableau, protégé par une vitre, n’avait fort heureusement pas été touché. L’action qui a été conduite n’en reste pas moins violente. Elle nous attriste d’autant plus que nous sommes engagés dans une vraie démarche de frugalité énergétique. Une recherche d’équité écologique portée par toutes nos équipes que nous concilions avec notre objectif de proposer au public d’ambitieuses expositions.
Two women were detained in Stockholm after they threw “some kind of paint" at a painting by French artist Claude Monet and then glued themselves to the frame, Sweden's National Museum said on Wednesday.https://t.co/wsoMdHndq0 pic.twitter.com/TP54p60DrC
— The Associated Press (@AP) June 15, 2023