Le musée d’Art moderne de Céret souffle 75 bougies : histoire d’un compagnonnage avec les artistes

Vincent Bioulès (né en 1938), Saint-François, le Cantique des Créatures IV, janvier-juillet 1980. Acrylique, laque glycérophtalique sur toile, 200 x 300 cm. Céret, musée d’Art moderne, don de l'artiste en 2007. Photo service de presse. © Adagp, Paris, 2025. Photographe : R. Townsend
À Céret, où les artistes sont venus en nombre, des liens puissants se sont créés avec un musée qu’ils ont contribué à faire vivre. Une complicité exceptionnelle qui dure encore, mise en valeur à l’occasion des 75 ans de l’institution.
Pour construire son exposition, Jean-Roch Dumont Saint Priest, directeur-conservateur du musée d’Art moderne de Céret, n’a pas eu besoin de réclamer de nombreux prêts : l’intégralité ou presque de la soixantaine d’œuvres présentées provient des collections de l’institution. Rien d’étonnant puisqu’il s’agit de fêter le soixante-quinzième anniversaire du musée, mais ce qui l’est davantage, c’est que les premières œuvres accrochées, entrées entre 1950 et les années 1970, sont des dons des artistes : Abstraction (1939) d’Auguste Herbin, La chèvre à l’ombrelle (1942) de Marc Chagall, Vénus et l’Amour (25 mai 1949) de Pablo Picasso, La Mappemonde de Valentine Prax (sans date) en 1950, Grande Tête de femme (1945) par Henri Matisse qui, en 1950, avait déjà offert quinze croquis, et Paysage (1946) de Pinchus Krémègne en 1954 ; Le Castellàs à Céret (1940) d’Albert Marquet et Paysage, le Pin (1946) de Potzno Glika furent donnés par leurs veuves en 1950 tandis qu’Hommage à Aragon (1971) de Joan Miró fut créé et offert par le peintre pour l’exposition consacrée au poète en 1971…
Résidence d’artistes
Céret est un cas particulier. La commune est située non loin de Collioure où, dès 1905, Henri Matisse et André Derain viennent peindre. En 1910, le sculpteur Manolo (Manuel Martinez Hugué), le compositeur Déodat de Séverac et le peintre Frank Burty Haviland descendent du train à Céret et convertissent la ville au cubisme. Des amateurs locaux s’intéressent à leur travail, de nouveaux artistes arrivent, tels Picasso et Georges Braque en 1911, Herbin, Juan Gris et Max Jacob en 1913. Déjà, Frank Burty Haviland pense à un musée. En 1916, le peintre Pierre Brune s’établit à Céret et ses amis Chaïm Soutine, Pinchus Krémègne ou André Masson l’y visitent. En 1948, Brune et Burty Haviland posent les bases du musée qui ouvrira ses portes en 1950.
Une amitié fondatrice
Plusieurs œuvres et une vitrine de documents présentent ceux qui ont porté l’institution : la famille cérétane Aribaud, Pierre Camo, Pierre Brune et Frank Burty Haviland, Honoré Marius Bérard, Marc Janson, Claude Massé et Georges Badin. Les relations qu’ils entretenaient avec le monde de l’art ont cimenté l’histoire singulière d’un musée « de compagnonnage avec les artistes », tel que le définit son actuel conservateur. Lorsque Jean Paul Riopelle fait don d’Abstraction (1958), il inscrit sur le châssis : « Pour Frank Burty Haviland, musée d’Art moderne de Céret ». La constitution de la collection au fil des amitiés permet à l’établissement de refléter la diversité des mouvements artistiques du XXe siècle. De l’abstraction onirique de Christine Annie Boumeester, qui donne en 1977 un ensemble d’œuvres sur papier, au mouvement Supports/Surfaces représenté par Claude Viallat (il offre une œuvre sans titre, peinte en 1985 sur un ancien rideau du musée) et Vincent Bioulès (Saint-François, le Cantique des Créatures de 1980 est donné par lui en 2007), l’histoire de l’art s’inscrit dans les salles.
Depuis, les conservateurs veillent à enrichir la collection centrée sur le Sud de la France et la Catalogne. Du simple au double (1993) est commandé à Toni Grand, Tom Carr donne Paysage intérieur (2008-2009, 2025), Alain Clément offre quatre reliefs muraux en 2011 et Christian Bonnefoi, Ubu Roi en 2015. L’exploration de ces liens profonds entre le musée et les artistes se poursuit dans le parcours permanent où les œuvres offertes sont signalées par un cartel.

Henri Matisse (1869-1954), Grande Tête de femme, 1945. Crayon Conté sur vélin d’Arches, 52,5 x 40,5 cm. Céret, musée d’Art moderne, don de l’artiste en 1954. Photo service de presse. © Photographe : Nicolas Giganto
« 75 ans d’amitié, les artistes et le musée », jusqu’au 16 novembre 2025 au musée d’Art moderne, 8 boulevard du Maréchal Joffre, 66400 Céret. Tél. 04 68 87 27 76. www.musee-ceret.com





