Spécialiste de la restauration des sculptures métalliques, plomb ou bronze, Antoine Amarger travaille autant pour des particuliers que pour des institutions publiques et divers musées. C’est ainsi qu’il est responsable de la conservation et de la restauration des sculptures métalliques du domaine de Versailles, celles des Grands Appartements comme celles des jardins du domaine. Il revient pour L’Objet d’Art sur la problématique de la dorure des plombs du Buffet d’eau récemment restauré des jardins du Grand Trianon.
Les sculptures en plomb du Buffet d’eau, qui présentaient depuis de nombreuses années l’aspect grisâtre du plomb nu, ont été redorées avec la technique traditionnelle de la dorure à la feuille d’or sur mixtion à l’huile. Cette technique de dorure est la plus renommée pour les ouvrages de plein air. Mais on a aussi employé parfois pour cet usage des feuilles d’alliage cuivreux imitant l’or et des peintures dorées (les bronzines), composées d’un liant (huileux anciennement) et d’une charge de poudre d’alliage cuivreux (ou plus récemment de poudres minérales d’aspect doré). Feuilles d’or comme bronzines peuvent présenter différentes nuances de couleur. C’est pourquoi notamment il est utile pour la restauration d’ouvrages anciens de procéder à des examens stratigraphiques pour tenter de documenter les aspects précédents.
De la feuille d’or à la bronzine
On observe souvent une séquence XVIIe ou XVIIIe de dorure à la feuille d’or, suivie d’une séquence XIXe de dorure à la feuille de laiton, suivie à son tour d’une séquence XXe de bronzine. Mais on peut aussi observer le contraire, à savoir des sculptures initialement dorées à la bronzine qui ont été ensuite dorées à la feuille d’or. Et il serait réducteur d’interpréter l’usage de cette bronzine comme un simple succédané économique de la dorure à la feuille d’or. Il a pu s’agir d’un choix initial délibéré, dans le but d’obtenir un aspect plus à même de mettre en valeur le modelé d’une sculpture qu’une dorure à la feuille d’or étincelante.
L’importance des sous-couches
Par ailleurs, la couleur des sous-couches préalables à la dorure à la feuille d’or influe grandement sur l’aspect final. Sur les ouvrages anciens on retrouve presque toujours sous la feuille d’or une sous couche ocre-jaune destinée à soutenir le ton de l’or et à faire passer discrètement son inévitable abrasion progressive. L’usage moderne y ajoute assez systématiquement une ultime couche jaune vif, qui doit avoir son utilité pour tendre la surface, mais qui a pour effet visuel de renforcer le côté étincelant de la dorure. Cet effet, même tempéré par une couche finale de patine, est rarement souhaitable pour des sculptures. Dans le cas du buffet d’eau, l’éclat de l’or est heureusement contrebalancé par la symphonie des marbres colorés, ce qui assourdit ce petit bémol technique.
Antoine Amarger
Article à retrouver dans :
L’Objet d’Art n° 604
Les ventes Rothschild
98 p., 11 €.
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