
Audacieux et débridé, l’art de la rocaille atteint son apogée sous Louis XV. Véritable ode à la lumière et à la légèreté, à la transparence et à la gaieté, cet art festif et fastueux ne pouvait manquer d’être à l’honneur au sein de l’exposition que le château de Versailles dédie aux passions du « Bien-Aimé ». L’Objet d’Art vous propose de faire revivre l’esthétique du règne à travers une sélection de pièces insignes exceptionnellement réunies.
Le rococo à la mode de Dresde
L’art rocaille n’étant pas l’apanage des Français, Versailles a souhaité faire venir de Dresde une spectaculaire garniture de vases sur le thème des Quatre Éléments commandée par le prince électeur de Saxe et roi de Pologne Auguste III. Destinés à servir de cadeau diplomatique afin de s’attirer les bonnes grâces de Louis XV tout en donnant à voir l’invraisemblable virtuosité technique des productions allemandes, ces chefs-d’œuvre en « or blanc » de Meissen modelés par Johann Joachim Kändler ne gagneront pourtant jamais le royaume de France : lorsqu’ils furent achevés six mois plus tard, la stratégie politique du monarque avait évolué, rendant ces présents inutiles.

La commode du roi
Placée en majesté, en conclusion de l’exposition, à la manière d’un trône au beau milieu d’un vaste tapis, l’éblouissante commode livrée par Antoine-Robert Gaudreaus pour la nouvelle chambre à coucher de Louis XV savoure incontestablement son retour triomphal à Versailles. Gardien de l’intimité du monarque durant plus de trente-cinq ans avant d’échoir à sa mort au duc d’Aumont, ce meuble insigne, entièrement animé de bronze doré, illustre l’apothéose de l’art rocaille. Il a pour la première fois retraversé la Manche à la faveur d’un prêt exceptionnel consenti par la Wallace Collection.

Un style intemporel ?
Acquise en 2019 par le château de Versailles grâce au legs Jeanne Heymann, cette imposante commode galbée à deux tiroirs, parée de panneaux de laque noir du Japon, avait été commandée par le Garde-Meuble de la Couronne à l’innovant marchand mercier Hébert, qui en confia l’exécution à l’ébéniste Bernard II van Risamburgh. Elle gagne Versailles le 23 janvier 1745 afin d’être déposée dans la chambre de la dauphine Marie-Thérèse-Raphaëlle d’Espagne, que le dauphin Louis-Ferdinand allait épouser cinq jours plus tard. La commode survécut à sa malheureuse propriétaire, disparue l’année suivante : voyageant des appartements de la nouvelle dauphine Marie-Josèphe de Saxe à ceux de la comtesse de Provence, ce meuble insigne à l’extraordinaire décor de bronze doré chantourné, pourtant très caractéristique de l’art rocaille, sera régulièrement inventorié jusqu’à la Révolution sans manifestement passer de mode.

Deux girandoles du premier goût rocaille
Caractéristique du goût rocaille particulièrement mouvementé qui anima la première partie du règne de Louis XV, cette spectaculaire paire de girandoles met en scène deux coqs en porcelaine de Chine perchés par un bronzier parisien sur une monture de bronze ciselé et doré d’une remarquable virtuosité. Si le commanditaire de ces luxueux luminaires, caractéristiques des productions novatrices proposées par les marchands merciers à leurs riches clients, demeure méconnu, on trouve cependant des objets correspondant à leur description au sein du fonds des marchands merciers François Darnaux et Lazare Duvaux. Ce dernier avait notamment vendu en 1755 une paire similaire à la marquise de Pompadour, bientôt déposée à l’hôtel d’Évreux.

Un chef-d’œuvre de virtuosité : le lustre de la marquise de Pompadour
Suspendu depuis 1795 au plafond de la bibliothèque Mazarine, ce lustre d’une paire, exceptionnellement prêté à Versailles, constitue assurément le temps fort de l’exposition. Présenté pour la première fois à hauteur d’homme, ce riche luminaire ciselé par les Caffieri vers 1750-1755 est incontestablement un chef-d’œuvre absolu de l’art rocaille. Juchés sur des acanthes vivement animées de courbes et de contre-courbes, des putti arborent ostensiblement entre leurs mains des tours crénelées qui identifient sans ambiguïté la marquise de Pompadour comme commanditaire de cette paire. Elle orna vraisemblablement son château de Crécy ou son hôtel d’Évreux.

Olivier Paze-Mazzi

Article à retrouver dans :
L’Objet d’Art n° 594
Louis XV, les passions d’un roi à Versailles
96 p., 11 €.
À commander sur : www.estampille-objetdart.com
« Louis XV. Passions d’un roi »
Jusqu’au 19 février 2023 au château de Versailles
Place d’Armes 78000 Versailles
Tél. 01 30 83 75 05
www.chateauversailles.fr
Catalogue sous la direction de Yves Carlier et Hélène Delalex, In Fine / Château de Versailles, 496 p., 49 €.

À lire :
Dossiers de l’Art n° 303
Louis XV. Passions d’un roi
82 p., 11 €.
À commander sur : www.dossiers-art.com
Pour aller plus loin : Yves Carlier, Le style Louis XV, In Fine éditions d’art, 2023, 128 p., 25 €.