Incontournable. Dès le vernissage, 40 groupes de mécènes, 300 directeurs de musées et 650 conservateurs arpentaient les allées feutrées du MECC Maastricht à la recherche de la perle rare qui pourrait faire l’orgueil de leurs collections. Très vite, les ventes s’enchaînent : le Virginia Museum of Fine Arts emporte ainsi un buste par Joseph Chinard (1756-1813) présenté par la galerie londonienne Stuart Lochhead Sculpture, tandis qu’un autre grand musée américain s’offre pour 4 millions de dollars le Mars de Giambologna (1529-1608). Le Rijksmuseum a acquis pour 3 millions d’euros chez Zebregs&Röell Fine Art and Antiques le Portrait de Moses Ter Borch à l’âge de deux ans par Gesina ter Borch (1631-1690) — d’une beauté discutable mais qui permet à l’institution d’étoffer ses collections à l’aide d’une œuvre exécutée par une artiste femme dont il conserve déjà l’essentiel du fonds. La galerie MS Rau de La Nouvelle-Orléans a enfin très vite annoncé avoir cédé pour 4,57 millions d’euros la Tête de Paysanne à la Coiffe Blanche de Vincent Van Gogh (1853-1890) à un musée privé situé en dehors de l’Union européenne. Réduite de quelques jours et n’incluant cette année qu’un seul week-end, la foire aura pourtant attiré près de 50 000 visiteurs. Après un premier portfolio entièrement dédié à la peinture, L’Objet d’Art vous propose sa sélection d’œuvres incontournables qu’il fallait admirer cette année dans les allées de la TEFAF Maastricht.
Mystérieux pleurants du Saint-Sépulcre
Ces cinq saisissantes figures en grès, représentées en pied aux trois-quarts, faisaient à l’origine partie d’une monumentale mise au tombeau. Elles se dressaient devant le corps sans vie du Christ, enveloppé dans son périzonium, aujourd’hui disparu. Elles représentent Joseph d’Arimathie portant la couronne d’épines, les trois saintes femmes (Marie Salomé, Marie Madeleine, la Vierge Marie) et Nicodème tenant les clous de la Crucifixion. Conservées dans une collection privée de la région de Chimay, en Belgique, jusqu’à la fin du XIXe siècle, leur origine reste mystérieuse. Donné à un sculpteur anonyme de l’école de Mons, baptisé le maître de Chimay, elles illustrent ce goût pour les monumentales mises au tombeau apparues d’abord en Rhénanie pour se propager ensuite dans les Pays-Bas espagnols et dans la région du Hainaut en particulier. Datées des années 1540-1580, elles frappent par leur retenue. Leur esthétique frontale et hiératique relève encore de l’austérité d’un XVe
siècle moyenâgeux, et non de celle, nouvelle, de la Renaissance, plus démonstrative et théâtrale. Mais c’est justement leur sobriété et cette douleur intériorisée dans laquelle elles semblent se murer et s’isoler qui les rend aux yeux du spectateur d’aujourd’hui d’autant plus modernes et saisissantes. J.F.
Une esquisse de Volpino pour le Duomo de Milan ?
God save Foggini
Lorsque s’ouvre le XVIIIe siècle, le sculpteur florentin Giovanni Battista Foggini (1652-1725) est au sommet de sa gloire. Après avoir traversé les Alpes, sa notoriété essaime désormais outre-Manche pour fleurir à la cour de la reine Anne (1665-1714). Un vaste projet de création d’une multitude d’effigies de la souveraine, associées aux cinquante nouvelles églises que la Couronne entend bâtir, voit alors le jour. Financièrement trop ambitieux, il est réduit en mai 1714 à une seule sculpture monumentale dont la réalisation est confiée à Foggini. L’année suivante, malgré la disparition de la reine, le projet est déjà très avancé ; en 1717 une nouvelle majorité parlementaire décide pourtant de l’enterrer. Les dessins de l’artiste conservés aux Offices à Florence témoignent avec précision des différentes solutions formelles envisagées. Le sculpteur toscan imagine, sur la plupart d’entre eux, de peupler la base du monument de figures de lions assis. Le splendide fauve en terre cuite présenté par la galerie Tomasso correspond à une traduction de ceux esquissés par Foggini, qui pour la plupart présentent le même port de tête. La dorure recouvrant l’animal fait par ailleurs écho au projet documenté par les archives de recouvrir de feuilles d’or le monument final. La virtuosité baroque de l’œuvre, le raffinement des détails et l’expressivité de l’animal sont enfin tout à fait caractéristiques de la manière de l’artiste, ce qui renforce l’attribution de l’œuvre au maître. Prix demandé : 225 000 euros. O.P.-M.
Falciatore : du dessin à la toile
Le grand dessin dévoilé par la galerie Charles Beddington de Londres constitue une étude à grandeur pour un panneau peint par Filippo Falciatore (actif entre 1718 et 1768) vendu en 2003 par la galerie Matthiesen avec son pendant au Norton Museum of Art (Floride). Il illustre un épisode de l’histoire de Didon et Énée tiré de l’Énéide de Virgile dans lequel le prince troyen et la reine de Carthage s’adonnent à la chasse sous le regard de Junon ; la déesse déchaîne l’orage qui les contraindra à s’abriter dans la grotte où ils connaîtront leur première union. Si le premier plan du tableau reprend assez largement le dessin, quelques détails diffèrent : les putti situés en haut à droite de la composition ont été très remaniés, le paon perché à la gauche de Junon dont il est l’attribut est désormais à droite, tandis que l’arc-en-ciel esquissé à l’arrière-plan a disparu. Constituant l’un des plus beaux exemples du précieux rococo napolitain, le panneau final sur fond d’or et son pendant peuvent avoir été exécutés afin d’orner un palanquin ou une chaise à porteurs. Prix demandé : 58 000 euros. O.P.-M.
Vous vous changez ? Changez de bagues !
Ce petit coffret de maroquin rouge doré au fer et ses tiroirs abritent une étonnante lithothèque : 50 cabochons de gemmes et pierres dures différentes, un catalogue les répertoriant et deux bagues en argent, dont la monture, ovale ou rectangulaire, permet d’enchâsser et de porter à sa guise la pierre de son choix. À la fois lithothèque et accessoire de mode, ce bel et inhabituel objet miraculeusement complet constitue un étonnant témoin du raffinement de la cour d’Augsbourg au XVIIIe siècle et de l’art du tailleur de gemmes Heinrich Gottlob Lang (1739-1809), qui exécuta les cabochons et en dressa le catalogue. Très peu de cabinets de bagues en pierres dures subsistent de lui – et ce dernier était vendu dès l’inauguration de la foire. J.F.
La basse-cour de Jakuchū
Dalou à l’heure anglaise
Sculpter pour l’Hôtel de Ville de Paris
Le poisson-papillon et la grande couturière
Après son exposition « Sculptrices » dédiée l’année passée aux artistes femmes, Xavier Eeckhout offre à l’une d’entre elles la place d’honneur de son stand. Provenant de la collection de la grande couturière Madeleine Vionnet (1876-1975), virtuose dans l’art du drapé et la coupe en biais, ce poisson-papillon est l’œuvre de Marguerite de Bayser-Gratry. Née à Bruxelles en 1881 et décédée à Paris en 1975, l’artiste participe aux expositions organisées par la Société des femmes artistes modernes créée en 1930 ; en 1925 elle obtient le Grand Prix des arts décoratifs. Sculpté dans l’albâtre d’Égypte, il trônait au cœur de l’exposition d’arts décoratifs conçue par le décorateur Louis Doumergue (1888-1956) à l’occasion du Salon d’automne de 1931 à Paris.
Jeanne Faton et Olivier Paze-Mazzi
37e édition de la TEFAF Maastricht
Jusqu’au 14 mars 2024 au MECC
Forum 100, 6229 GV Maastricht, Pays-Bas
www.tefaf.com