Alors que le rideau s’apprête à retomber sur la remarquable exposition que le musée des Beaux-Arts d’Orléans consacre à Jean Bardin, certaines œuvres semblent bien décidées à jouer les prolongations. L’institution vient en effet d’annoncer l’entrée définitive de trois d’entre elles dans ses collections.
Rival malheureux de Jean Bardin (1732-1843) au concours du prix de Rome de 1765, Jean Siméon Berthélemy (1743-1811) l’emporte enfin sur son adversaire : à la fermeture de l’exposition le 14 mai, c’est sa version de Tullie faisant passer son char sur le corps de son père qui demeurera sur les cimaises du musée, alors que la toile de Bardin reprendra le chemin du Landesmuseum de Mayence où l’État français l’avait envoyée à l’aube du XIXe siècle. L’œuvre a en effet fait l’objet d’une donation consentie par les collectionneurs Nathalie et Christian Volle, grands amateurs de l’artiste : historienne de l’art, la donatrice est l’auteur de sa monographie parue chez Arthena, une maison cofondée par son époux. Elle sera désormais associée dans les collections permanentes à l’esquisse de l’œuvre de Bardin acquise en 1983.
Les raisons d’un échec
La toile du jeune artiste témoigne déjà de son goût affirmé pour les vastes mises en scène peuplées de figures drapées de couleurs vives. Sa veine rubénienne n’a cependant pas su toucher le cœur du jury qui lui préféra Bardin : s’éloignant un peu de l’épisode antique relaté par Tite-Live, sa foisonnante vision manque sans doute un peu de clarté et comporte quelques détails incongrus, à l’image de la poitrine inutilement dénudée de la mère visible dans la partie gauche de la composition. Après un nouvel échec l’année suivante, Berthélemy remporte le Graal tant convoité en 1767 : son Alexandre tranchant le nœud gordien lui ouvre enfin les portes de la Cité éternelle.
Bardin le Romain
Un deuxième don vient cette fois éclairer la production picturale jusqu’alors peu documentée de Jean Bardin durant son séjour romain (1768-1772). Offerte par le collectionneur et expert lyonnais Philippe d’Arcy, cette grande esquisse figurant le sacrifice d’Iphigénie fut longtemps faussement attribuée à Lagrenée avant d’être rendue à Bardin à l’occasion de l’exposition. Il s’agit de la cinquième peinture de l’artiste à intégrer les collections du musée.
Gracieux Bardin
Prêté dans l’exposition par la galerie Didier Aaron, ce Triomphe d’Amphitrite a désormais été acquis par le musée des Beaux-Arts d’Orléans qui ajoute ainsi un huitième dessin de l’artiste à son fonds. Particulièrement gracieuse, cette grande feuille lavée à la sanguine, exécutée par l’artiste peu après son installation à Orléans en octobre 1786, contraste avec la sévérité des sujets habituellement traités par l’artiste : ce répertoire léger correspondait vraisemblablement davantage au goût des amateurs de la cité johannique.
Olivier Paze-Mazzi