Les années passent et ne se ressemblent pas. Alors que l’on souligne parfois les occasions manquées par les musées français de compléter leurs collections à l’occasion des traditionnelles ventes organisées à New York en début d’année – songeons au merveilleux album de dessins par Jean-Baptiste Oudry destinés à l’illustration des Fables de La Fontaine proposé par Christie’s en janvier 2023 –, force est de constater que la tendance semble cette année s’inverser. Après l’annonce par le musée d’Orsay de l’acquisition outre-Atlantique de l’exceptionnelle coupe Hope, c’est au tour du château de Fontainebleau de révéler un enrichissement de taille pour les collections nationales : une célèbre aquarelle de Jean-Baptiste Isabey (1767-1855) achetée chez Sotheby’s le 31 janvier dernier pour 381 000 $ (frais inclus).
Dans cette aquarelle qui offrait en 2011 sa couverture au catalogue de l’exposition que Fontainebleau consacrait alors au roi de Rome, l’artiste officiel du Premier Empire immortalise avec une admirable finesse un moment clé de l’Histoire : Napoléon présentant l’héritier du trône à l’impératrice Marie-Louise à l’issue de l’accouchement, le 20 mars 1811.
La cour du roi de Rome
Autour de cette « trinité impériale » méticuleusement mise en scène sont réunies une dizaine de femmes associées chacune à une position et un rôle bien précis : Madame Mère, future marraine de l’enfant, est au pied du lit avec sa fille Pauline Bonaparte et ses belles-filles, la reine d’Espagne et Hortense de Beauharnais, tandis qu’à gauche de l’impératrice figurent sa dame d’honneur, la duchesse de Montebello, l’une des sous-gouvernantes des Enfants de France, et la plantureuse Marie Auchard choisie pour être la nourrice du nouveau-né. Au premier plan apparaissent deux premières dames attachées au service de l’enfant, aussi appelées « femmes rouges » en raison de la couleur de leur robe.
Trésors disparus
Par l’attention portée aux détails, l’œuvre constitue aussi un précieux témoignage de l’ameublement de la chambre de l’impératrice, aménagée par les fameux architectes Percier et Fontaine au palais des Tuileries, incendié en 1871. Si l’imposant lit de parade, certes très transformé, est aujourd’hui conservé au château de Versailles, il ne reste hélas rien de la somptueuse toilette en vermeil offerte par la Ville de Paris en cadeau de mariage à l’impératrice en 1810. Œuvre du peintre Prud’hon, de l’orfèvre Odiot et du fondeur ciseleur Thomire, cet exceptionnel ensemble dont on admire ici des éléments sera fondu par Marie-Louise en 1836.
Raphaël Buisson-Rozensztrauch
À lire :
Enfance impériale
Le roi de Rome, fils de Napoléon
68 p., 19,50 €.
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