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100 ans d’archéologie dans le Territoire de Belfort

Portion de mosaïque du début du IIIe siècle découverte à Belfort. Musées de Belfort. © Musées de Belfort
Portion de mosaïque du début du IIIe siècle découverte à Belfort. Musées de Belfort. © Musées de Belfort

Aux confins de la région Bourgogne-Franche-Comté et frontalier avec la Suisse, le Territoire de Belfort, le plus jeune département de France, célèbre cette année le centenaire de sa création. L’occasion de revenir sur l’histoire singulière d’un espace stratégique de passage et d’échange depuis la Préhistoire, entre Vosges et Jura.

Coincée entre les Vosges cristallines au nord et les contreforts calcaires du Jura au sud, cette étroite bande de terre assure la transition entre le bassin versant du Rhin et celui du Rhône, l’Alsace et la Franche-Comté. Dénommé « Trouée de Belfort » ou « Porte de Bourgogne», cet espace emprunté depuis la Préhistoire est davantage connu pour les désastres de la guerre de 1870-71 et le rôle de verrou que tient la ville de Belfort depuis des siècles. Pourtant la situation originale de ce modeste territoire de 609 km2, au riche passé industriel et militaire, offre aux archéologues un terrain d’étude privilégié où se sont succédé et mêlés bien des peuples aux cultures diverses.

Une zone de contact et d’échanges depuis la Préhistoire

Les premières traces du passage des chasseurs-cueilleurs du Paléolithique restent encore très ténues et se limitent à la découverte de quelques outils en silex isolés et d’une modeste série de pièces taillées autour de 17 000-12 000 avant notre ère. L’outillage des derniers chasseurs du Mésolithique est à la fois plus abondant et plus varié dans l’utilisation des matières premières (silex de diverses provenances, chaille, pélite). Favorisés par un climat plus tempéré, les campements privilégient les parties sommitales de collines, tandis que la présence d’un gros bloc morainique de plus de 10 mètres de long a sans doute été déterminante dans le choix d’implantation du site de « La Grosse Roche », sur le plateau de Giromagny.

Circulation d’objets de prestige

Le Néolithique voit, comme partout ailleurs, se multiplier les points de peuplement et la circulation d’objets particuliers, symboles de richesse et de reconnaissance sociale. Des gobelets en céramique à décor géométrique poinçonné, contrastant grandement avec les productions de céramiques locales à pâtes plus grossières, circulent entre différents groupes culturels. Une magnifique paire d’anneaux disques trouvée dans une sépulture de la grotte de Cravanche provient vraisemblablement de la vallée du Rhin, en amont de Bâle ; portés au bras, ces éléments de parure sont fabriqués à partir de galets fluviatiles en serpentinite, roche de couleur vert foncé légèrement bleutée, offrant des jeux de lumière semblable à une peau de serpent. D’autres objets témoignent de relations beaucoup plus lointaines. Une petite hache en jadéitite issue des Alpes italiennes et d’autres haches polies dans de superbes roches vertes alpines translucides à grains très fins appartiennent à un vaste réseau d’échanges qui s’étend jusque dans les franges maritimes de l’Europe (Irlande, Écosse, Danemark). Ces objets de prestige, qui accompagnent parfois certains puissants dans l’au-delà, révèlent une disparité sociale affirmée où l’élite contrôlait la circulation des biens.

Céramique à décors excisés de l’âge du Bronze moyen, découverte sur le site du Bramont. Musées de Belfort. © Musées de Belfort
Céramique à décors excisés de l’âge du Bronze moyen, découverte sur le site du Bramont. Musées de Belfort. © Musées de Belfort

La hache en pélite-quartz : une spécialité de la Trouée de Belfort

Des milliers de haches ont cependant été produites localement dans les carrières de Plancher-les-Mines, près de Belfort, dans une roche sédimentaire formée de cendres volcaniques très chargées en quartz, nommée pélite-quartz. Cette abondante production, de 4 700 avant notre ère jusqu’à la fin du Néolithique, se distribue dans un rayon de 300 kilomètres à la ronde, source de richesse que l’on met en relation avec la plus forte concentration de villages fortifiés de hauteur de l’est de la France. D’importance diverse, ces villages installés le plus souvent en bordure de plateau ou d’éperon voient leurs défenses naturelles renforcées par un rempart en terre et en pierre et occupent à peu près tous les sommets du Territoire de Belfort, à l’exemple de ceux du Grammont et du Haut-du-Mont à Belfort, du Bramont ou encore du fort de Roppe. Ils sont peu à peu désertés lors de la phase de ralentissement de l’activité d’exploitation des carrières de Plancher- les-Mines, que l’on place avec l’arrivée des premières haches en cuivre. Au IIIe millénaire, le peuplement de l’âge du Bronze apparaît bien plus clairsemé. Les contextes économiques et sociaux évoluent avec l’arrivée du métal et seul le camp du Bramont est réoccupé, sans doute en raison de son implantation sur l’un des derniers promontoires contrôlant le débouché oriental de la Trouée de Belfort.

Deux grandes lames d’herminette en pélite-quartz issues des carrières de Plancher-les-Mines. Musées de Montbéliard. © P. Pétrequin
Deux grandes lames d’herminette en pélite-quartz issues des carrières de Plancher-les-Mines. Musées de Montbéliard. © P. Pétrequin

Centres fortifiés et tombes prestigieuses

Les centres fortifiés et les tombes prestigieuses de l’âge du Fer sont alors établis sur les principaux axes commerciaux. La tombe à char sous tumulus de Granvillard se situe aux confins de plusieurs territoires, entre Rhin, Jura central et Saône. Les élites rurales de cette époque sont encore peu connues. Des objets celtiques dispersés témoignent de leur présence : épée gauloise de Meroux, fibule et bracelet de Delle, casque de Lacollonge. La qualité technique et artistique de ces pièces illustre le rôle dynamique de la région belfortaine dans la circulation des biens et des personnes.

David Billoin
Chargé de recherches à l’Inrap Bourgogne- Franche-Comté, UMR 5140 ASM

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