Les Étrusques en France, une mise au point archéologique (3/4). Le commerce du vin : faire face aux Grecs

Mobilier funéraire de la tombe Saint-Antoine de Castelnau-de-Guers près d’Agde (Hérault), première moitié du VIᵉ siècle avant notre ère : fibule et armes indigènes, vases étrusques (amphore de transport, canthares en bucchero nero et coupe étrusco-corinthienne) et locaux (coupe en céramique grise et bol non tourné). © Antoine Maillier, Bibracte
La présence étrusque est bien connue en Italie. Mais qu’en est-il de la France ? Situé au carrefour de deux grands itinéraires terrestres et maritimes, entre la péninsule Italique, l’Europe tempérée et le nord-ouest de la Méditerranée, notre territoire est celui qui, en dehors de l’Italie, a livré le plus grand nombre de données sur les relations commerciales, culturelles et politiques avec l’Étrurie entre le VIIIe et le IVe siècle avant notre ère. Qui étaient ces Étrusques ? Quand, pourquoi et selon quelles modalités se sont-ils installés sur le pourtour méditerranéen provençal et languedocien ? De récentes opérations de fouilles livrent aujourd’hui d’importants éléments de réponse.

Bassin à anses d’Étrurie tyrrhénienne centrale (Vulci), vers 500 avant notre ère. Bronze. Tombe princière de Vix, Châtillon-sur-Seine, musée du Pays Châtillonnais – Trésor de Vix. © RMN-Grand Palais / Mathieu Rabeau
L’itinéraire maritime, qui relie à partir du VIIe siècle l’Étrurie au sud de la France, part de la côte orientale de la mer Tyrrhénienne et arrive au golfe du Lion par la mer de Ligurie. Sans doute déjà emprunté au IIe millénaire avant notre ère, cet axe lié au commerce du vin joue un rôle majeur dans les échanges entre d’un côté le monde grec et étrusque et de l’autre le nord-ouest de la Méditerranée, et dans l’implantation de nouvelles communautés.
Les produits étrusques dans le sud de la France
À la fin du VIIe siècle, il existe sans doute une deuxième voie maritime reliant directement les côtes du Languedoc et la pointe ouest de la Sicile, au niveau de la jeune cité de Sélinonte, l’avant-poste du monde grec vers l’extrême occident. C’est par là que les Grecs de Sicile accèdent aux ressources en cuivre et autres métaux de la montagne Noire et du Massif Central, exploitées par les communautés indigènes du Languedoc et du Centre de la France. Dans le dernier quart du VIIe siècle, on voit apparaître dans les niveaux d’habitats indigènes de la Provence et du Languedoc de petites quantités de produits étrusques : des céramiques fines en bucchero nero (une technique spécifiquement étrusque de cuisson qui donne aux vases un aspect noir lustré) pour la consommation et des amphores de transport originaires des grandes cités de l’Étrurie côtière, comme Cerveteri et Vulci. S’y ajoutent quelques vases métalliques – des cruches, des plats – également destinés aux banquets indigènes. Un peu plus tard, on remarque la présence de vases en céramique « étrusco-corinthiens » figurés, une production étrusque particulière qui imite la céramique corinthienne, très en vogue à l’époque en Méditerranée occidentale.
« Parmi les Grecs d’Orient présents dans la région, les Phocéens ont joué un rôle déterminant dans l’histoire du sud de la Gaule à l’époque archaïque. »
La présence grecque
Simultanément, la présence de céramiques fines originaires de l’Ionie, sur la côte occidentale de l’Asie mineure, laisse supposer qu’une partie du commerce maritime était pris en charge par des Grecs originaires de cette région. C’est ce que suggère le contenu de l’épave trouvée dans une baie de l’île de Giglio au large de l’Étrurie. Le bateau, qui a coulé au début du VIe siècle, était sans doute la propriété d’un aristocrate commerçant de Samos qui traversa la mer Égée jusqu’à Corinthe et poursuivit sa route jusqu’aux côtes de l’Étrurie. Là, il remplit sa cale de vin étrusque, qu’il s’apprêtait à aller vendre dans le Midi de la Gaule lorsque la tempête l’a surpris. Parmi les Grecs d’Orient présents dans la région, les Phocéens, qui venaient de l’Ionie septentrionale, au nord de l’ancienne Smyrne (l’actuelle Izmir), ont joué un rôle déterminant dans l’histoire du sud de la Gaule à l’époque archaïque. Après une phase de contacts avec les communautés indigènes établies en Provence, peut-être dans l’habitat de hauteur de Saint-Blaise, qui a récemment livré des indices très précoces de leur présence, ils fondèrent la cité de Massalia vers 600 avant notre ère.

Trépied en bronze étrusque de la Tour du Castellas à Marseillan (Hérault) de la seconde moitié du VIᵉ siècle avant notre ère, mis au jour dans une épave du IIIᵉ siècle avant notre ère. Agde, musée de l’Éphèbe. © Laurent Uroz
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Les Étrusques en France, une mise au point archéologique
3/4. Le commerce du vin : faire face aux Grecs





