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Une autre histoire de livres d’heures : le Cabinet des livres de Chantilly expose ses trésors

Lazare chez le mauvais riche (détail), gravure surpeinte par le MaÎtre de Hugues de Loges, Les Presentes heures à l'usaige de Tournay au long sans requerir… Paris, pour Simon Vostre, 1512, Chantilly, imprimé XII-F-4.

Lazare chez le mauvais riche (détail), gravure surpeinte par le MaÎtre de Hugues de Loges, Les Presentes heures à l'usaige de Tournay au long sans requerir… Paris, pour Simon Vostre, 1512, Chantilly, imprimé XII-F-4. © IRHT-CNRS / Château de Chantilly.

En contrepoint à la présentation des Très Riches Heures du duc de Berry, le Cabinet des livres expose d’autres Heures célèbres acquises par le duc d’Aumale. Celui-ci ne fut pas un collectionneur de livres d’heures, mais un bibliophile pionnier à maints égards.

Lorsque commence l’exil d’Henri d’Orléans, duc d’Aumale, en Angleterre en 1848, le prince a de hautes ambitions bibliophiliques, sans être spécialement attiré par les livres d’heures. La collection des princes de Bourbon-Condé, dont il hérite en 1830, n’en contient pas. Les Heures de Marguerite de Coëtivy lui sont restituées en 1851, suite à un vol ancien. Ce volume ainsi que la fréquentation des bibliophiles anglais et la rencontre avec l’érudit allemand Gustav Waagen le persuadent de l’importance des manuscrits dans l’histoire de la peinture. La constitution d’un ensemble de pièces représentatives de l’art de l’enluminure « dans sa forme la plus éclatante » est dès lors le résultat d’achats réguliers jusqu’en 1894.

Les 40 Heures de Chantilly

Le duc d’Aumale collectionne aussi les imprimés. La série des Heures prise dans son ensemble permet de parcourir « l’autre histoire des livres d’heures », selon l’expression de Fabienne Henryot, celle du premier « best-seller » de la civilisation du livre occidental. Une sélection de 40 Heures permet d’embrasser, du milieu du XIIe au XIXe siècle, l’histoire complète du genre. L’exposition s’ouvre sur les premiers « psautiers-heures » qui apparaissent au XIIe siècle dans les monastères, montre le succès de la formule aux mains d’abbesses et de dames de haut rang, puis l’essor d’une véritable production au XVe siècle. Tandis que les meilleurs peintres renouvellent l’iconographie des Heures de luxe, les libraires rivalisent d’ingéniosité pour séduire la clientèle, proposant des Heures au goût du jour, illustrées, imprimées, traduites et versifiées, et donc bientôt censurées par l’Église.

Marie-Madeleine au pied de la Croix, par le Maître du Discours d'Entendement et Raison, Heures de Marguerite de Coëtivy, France de l’ouest, vers 1500, Chantilly, manuscrit 74, fol. 34v-35, ancienne collection des princes de Bourbon-Condé.

Marie-Madeleine au pied de la Croix, par le Maître du Discours d'Entendement et Raison, Heures de Marguerite de Coëtivy, France de l’ouest, vers 1500, Chantilly, manuscrit 74, fol. 34v-35, ancienne collection des princes de Bourbon-Condé. © IRHT-CNRS / Château de Chantilly

À la frontière du livre et de l’art

D’une grande variété, les Heures deviennent au XIXe siècle un objet de quête pour les bibliophiles, à la frontière du livre et de l’art. Découpées et montées sur planchettes, les Heures d’Étienne Chevalier de Jean Fouquet marquent un tournant dans l’histoire de l’art, dans celle du livre et dans celle du collectionnisme. Le duc d’Aumale prête une attention particulière au basculement du manuscrit à l’imprimé, puis au bref renouveau des Heures revisitées au XVIIe siècle par Nicolas Jarry, le peintre de la Guirlande de Julie. Quant aux Heures françoises abritant les « Matines de la Saint-Barthélemy », à l’adresse d’Amsterdam (1690), elles critiquent Louis XIV et rappellent l’esprit indépendant des maîtres de Chantilly.

« Une autre histoire de livres d’heures », jusqu’au 6 octobre 2025, château de Chantilly, musée Condé, Cabinet des livres, 60500 Chantilly. Tél. : 03 44 27 31 80. chateaudechantilly.fr