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Rembrandt : le chien oublié de La Ronde de nuit révèle ses secrets après six années de restauration

Rembrandt Harmensz. van Rijn (1606-1669), La Compagnie militaire du District II, sous le commandement du capitaine Frans Banninck Cocq, appelée La Ronde de nuit (détail), 1642. Huile sur toile, 379,5 x 453,5 cm. Amsterdam, Rijksmuseum.

Rembrandt Harmensz. van Rijn (1606-1669), La Compagnie militaire du District II, sous le commandement du capitaine Frans Banninck Cocq, appelée La Ronde de nuit (détail), 1642. Huile sur toile, 379,5 x 453,5 cm. Amsterdam, Rijksmuseum. Photo service de presse. © Rijksmuseum

Depuis 2019 et le début de l’Opération Ronde de nuit (Operation Night Watch), les découvertes se multiplient au sujet du chef-d’œuvre de Rembrandt. Aujourd’hui, ce ne sont pas les fiers militaires de la compagnie de Frans Banninck Cocq qui sont sous les feux des projecteurs, mais… le chien qui les accompagne.

Caché dans l’ombre à droite du tableau, le chien de La Ronde de nuit n’attire pas l’œil. Comme l’avaient montré de précédentes analyses réalisées pendant l’Opération Ronde de nuit, l’animal a perdu ses couleurs en raison de l’abrasion de la toile. Les couches supérieures de peinture ont disparu, mettant l’esquisse au jour.

« Quand j’ai vu ce dessin dans une exposition, j’ai immédiatement pensé au chien de La Ronde de nuit. La tête, le collier et la pose du chien se ressemblent tellement que cela ne peut que signifier que Rembrandt s’est inspiré de ce dessin. Les recherches ultérieures l’ont confirmé. »

Anne Lenders, conservatrice de l’Opération Ronde de nuit

Quand Rembrandt s’inspire de Van de Venne

Ce chien est pourtant depuis quelques semaines au centre de l’attention de l’équipe du Rijksmuseum. Sa ressemblance avec un dessin d’Adriaen van de Venne (1592-1662), présenté dans une exposition, a été remarquée par l’une des conservatrices, qui l’a attentivement étudié. Cette feuille, conservée au Rijksmuseum, montre un chien dans une posture proche de celle de l’animal peint par Rembrandt. L’image de la toile par fluorescence X, qui a révélé le dessin sous-jacent, montre que la pose envisagée par Rembrandt à ce stade était plus proche encore de celle du dessin.

Le chien peint par Rembrandt (détail de La Ronde de nuit, à gauche) comparé au chien dessiné par Adriaen van de Venne (détail de Joseph et la femme de Putiphar, à droite).

Le chien peint par Rembrandt (détail de La Ronde de nuit, à gauche) comparé au chien dessiné par Adriaen van de Venne (détail de Joseph et la femme de Putiphar, à droite). Photo service de presse. © Rijksmuseum

« Il est remarquable que de nouvelles découvertes continuent d’être faites sur l’un des tableaux les plus étudiés au monde, près de 400 ans après sa création. Cette découverte nous éclaire encore davantage sur le processus de réflexion de Rembrandt lors de la création de cette œuvre. »

Taco Dibbits, directeur général du Rijksmuseum

Dialogue artistique au cœur du Siècle d’or

Rembrandt possédait une collection d’estampes et de dessins d’autres artistes. La feuille d’Adriaen van de Venne en faisait-elle partie ? Cette question reste sans réponse, mais d’autres similitudes ont été relevées entre les œuvres des deux peintres. Le chien qui intéresse les conservateurs du Rijksmuseum est un détail d’une esquisse préparatoire pour Joseph et la femme de Putiphar, réalisée en 1619 par Van de Venne pour le frontispice d’un ouvrage de Jacob Cats. Rembrandt a représenté cet épisode biblique dans un tableau et une estampe qui empruntent tous deux au dessin de son contemporain. Les postures de certains militaires de La Ronde de nuit s’inspirent, elles aussi, d’œuvres de plusieurs artistes admirés par Rembrandt.

Adriaen Pietersz van de Venne (1589-1662), Joseph et la femme de Putiphar, 1619. Dessin préparatoire au frontispice de l'ouvrage de Jacob Cats, Self-Strijt. Plume, encre brune, lavis gris et traces d'aquarelle, 17,8 x 14,7 cm. Amsterdam, Rijksmuseum.

Adriaen Pietersz van de Venne (1589-1662), Joseph et la femme de Putiphar, 1619. Dessin préparatoire au frontispice de l'ouvrage de Jacob Cats, Self-Strijt. Plume, encre brune, lavis gris et traces d'aquarelle, 17,8 x 14,7 cm. Amsterdam, Rijksmuseum. Photo service de presse. © Rijksmuseum

Opération Ronde de nuit, un chef-d’œuvre scruté et restauré

Débutée en 2019, cette opération de grande ampleur consiste à étudier et à analyser La Ronde de nuit sous le regard du public. Elle a d’ores et déjà permis d’approfondir considérablement la connaissance de l’œuvre et de son processus de création. L’imagerie a, par exemple, mis en lumière la rareté des repentirs et montré que la composition avait été très peu modifiée au fil de son exécution. D’autres analyses ont révélé que Rembrandt avait, à l’occasion de cette importante commande, innové. Il a enduit la toile d’une substance contenant du plomb, offrant une meilleure protection contre l’humidité et la moisissure que la couche de colle généralement appliquée sur les toiles au XVIIe siècle. Aucune date de fin n’est avancée pour cette opération d’étude et de restauration inédite : « C’est la peinture elle-même qui décide du temps qu’elle prendra, du rythme qu’elle engendrera », a déclaré le directeur du Rijksmuseum, Taco Dibbits.

Après les analyses par imagerie scientifique et le scan 3D, la restauration de La Ronde de nuit a commencé fin 2024 avec l'enlèvement des vernis.

Après les analyses par imagerie scientifique et le scan 3D, la restauration de La Ronde de nuit a commencé fin 2024 avec l'enlèvement des vernis. Photo service de presse. © Rijksmuseum / Henk Wildschut