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Arrêt sur œuvre : Le Serment des Horaces de Jacques-Louis David

Jacques Louis David, Le Serment des Horaces (détail), signé et daté 1784. Huile sur toile, 330 x 425 cm. Paris, musée du Louvre.

Jacques Louis David, Le Serment des Horaces (détail), signé et daté 1784. Huile sur toile, 330 x 425 cm. Paris, musée du Louvre. Photo service de presse. © RMN (musée du Louvre) – M. Urtado

Certaines œuvres cristallisent l’essence d’une époque tout en semblant posséder une dimension prophétique. Manifeste du néoclassicisme, Le Serment des Horaces de Jacques-Louis David, présenté dans l’exposition que le Louvre consacre au peintre, paraît, sentiment trompeur, prédire le climat de guerre civile s’insinuant au cœur des foyers et l’esprit de sacrifice inconditionnel requis par le patriotisme révolutionnaire.

Depuis le Salon de 1781, David était un peintre en vue. L’administration royale lui commanda bientôt un grand tableau d’histoire que l’artiste choisit de peindre à Rome où il arriva, à ses frais, en octobre 1784. L’exposition du Serment des Horaces dans son atelier romain, au cours de l’été suivant, fera accourir tout ce que la Ville éternelle comptait d’artistes et d’amateurs. Tous furent frappés par la grandeur sévère de l’œuvre. Les critiques (notamment « archéologiques », suscitées par l’anachronisme de l’architecture, des armes, des vêtements) ne manquèrent pas pour autant. David n’en jouissait pas moins, désormais, d’une renommée européenne.

Jacques Louis David, Le Serment des Horaces, signé et daté 1784. Huile sur toile, 330 x 425 cm. Paris, musée du Louvre.

Jacques Louis David, Le Serment des Horaces, signé et daté 1784. Huile sur toile, 330 x 425 cm. Paris, musée du Louvre. Photo service de presse. © RMN (musée du Louvre) – M. Urtado

« Rome a choisi mon bras, je n’examine rien » (Corneille, Horace)

Borné par deux notions cruciales, pietas et gravitas, le « caractère romain » désignait (et cela longtemps avant la Révolution) une inflexibilité physique et morale mise au service d’un engagement illimité pour la patrie. Mentionnée par l’historien romain Tite-Live, la rivalité de Rome avec sa voisine Albe était en particulier familière aux Français grâce à la pièce de Pierre Corneille (1640) qui fut, à nouveau, donnée à Paris en 1782. On sait qu’afin de vider la querelle un « duel » fut organisé entre deux fratries jumelles, celle des Horaces, côté romain, et celle des Curiaces chez les Albains, affrontement rendu cruel par l’existence de mariages croisés entre les deux familles. David imposa le thème (lequel était dans l’air du temps et pas seulement dans la sphère maçonnique…) d’un serment que ne mentionnaient ni Tite-Live ni Corneille1.

Jacques Louis David, Le Serment des Horaces (détail), signé et daté 1784. Huile sur toile, 330 x 425 cm. Paris, musée du Louvre.

Jacques Louis David, Le Serment des Horaces (détail), signé et daté 1784. Huile sur toile, 330 x 425 cm. Paris, musée du Louvre. Photo service de presse. © RMN (musée du Louvre) – M. Urtado

Une œuvre majeure

Expédié, pour être présenté in extremis à Paris au Salon de 1785 (il y figurera, à nouveau, en 1791), le Serment des Horaces fut ensuite montré en même temps que le Brutus au musée du Luxembourg de 1804 jusqu’à la mort de David, avant de rejoindre le musée du Louvre (1826). Avec son rythme ternaire implacable – trois Horaces bras tendus, trois glaives, trois arches, trois femmes accablées –, il constitue l’un des plus irréfutables chefs-d’œuvre de l’esthétique néoclassique européenne et de son aspiration à la « grandeur virile » exprimée avec une concentration assurant une irréprochable efficacité. Sans doute, voir dans l’artiste sollicité par la Couronne dans les années 1780 une anticipation du député intransigeant de la Convention relève de l’anachronisme. Parfaitement inscrit dans son époque, le Serment, avec son Horace tricolore, n’en paraît pas moins ouvrir une brèche dans le temps qui a fasciné nombre d’historiens.

1 Il figure, en revanche, dans l’Histoire Romaine… (1738-1748) de Charles Rollin, très lue alors, et dans d’autres sources du temps.

« Jacques-Louis David » du 15 octobre 2025 au 26 janvier 2026 au musée du Louvre, rue de Rivoli, 75001 Paris. Tél. 01 40 20 53 17, www.louvre.fr

À lire : catalogue sous la direction de Sébastien Allard, coéd. musée du Louvre/Hazan, 360 p., 140 ill., 49 €
Dossiers de l’Art n° 332, éditions Faton, 80 p., 11 €. À commander sur www.faton.fr