Créée en 1922, la Délégation archéologique française en Afghanistan a profondément marqué la recherche scientifique dans ce pays. Afin de célébrer cet anniversaire, le musée national des arts asiatiques – Guimet propose à partir du 26 octobre une magistrale exposition, retraçant 100 ans de recherches archéologiques françaises en Afghanistan, et ce alors que le pays demeure aujourd’hui paralysé par le retour au pouvoir du régime taliban, qui fait craindre de nouvelles attaques contre le patrimoine.
Merveilleuse Hadda
Alfred Foucher se rend à Hadda en 1923 avec l’architecte et archéologue André Godard, qui y exhume les vestiges du monastère bouddhique de Tapa Kalan. Jules Barthoux y reprend les travaux, enchaînant une série impressionnante de fouilles (1926-1928) : monastères de Tapa Kalan, Bagh Gaï, Tapa-i Kafariha, Chakhil-i Ghoundi, Deh Ghoundi, Gar Nao et Prates. Face à l’hostilité de la population refusant le dégagement d’« idoles », il reçoit l’appui des autorités de Kaboul qui n’hésitent pas à recourir à la force. Les fouilles de Hadda révèlent un art du stuc très hellénisant et particulièrement inventif dans les physionomies des personnages secondaires. La diversité des matériaux et des styles suggère une occupation très longue du site, du Ier au VIIe siècle. Cette complexité sera confirmée par les fouilles afghanes qu’y mèneront Shaibaï Mostamandi puis Zemaryalaï Tarzi dès 1966.
Somptueuse Begram
Connue par des monnaies collectées entre 1833 et 1837, Begram est, dès 1923, identifiée par Alfred Foucher commela capitale de la Kapisa, visitée par le chinois Xuanzang en 628. Joseph Hackin y fouille en 1936, souhaitant mettre au jour la « nouvelle ville royale ». La découverte du « trésor de Begram » par Ria Hackin (1937 puis 1939) rend toutefois le dégagement des œuvres prioritaire. Le trésor, conservé dans deux pièces aux accès murés, rassemble des objets en matériaux exotiques – ivoire, os, verre, plâtre, bois laqué, albâtre, porphyre, cristal de roche et œuf d’autruche –, aux iconographies hellénistique, indienne et romaine. Ces œuvres, provenant d’ateliers du Proche-Orient méditerranéen et d’Égypte, d’Inde et de Chine, témoignent d’importations à longue distance et sont datées des Ier et IIe siècles de notre ère. D’autres missions de la DAFA (1941 et 1946) tenteront d’appréhender davantage le site et sa chronologie.
Mes Aynak, un site en sursis
À environ 35 kilomètres au sud de Kaboul, le potentiel archéologique du site de Mes Aynak (ou « petite source de cuivre ») est identifié dès 1963 par le géologue français Albert de Lapparent, tout comme l’importance du gisement de cuivre sous-jacent. À la suite de la concession d’exploitation de ce minerai par les autorités afghanes à une compagnie chinoise, l’Institut afghan d’archéologie y entame des fouilles en 2009. La DAFA y apporte son soutien logistique et administratif, tout en coordonnant l’aide internationale que l’enjeu de ces fouilles de sauvetage suscite. Ces dernières révèlent en effet une agglomération entière, se déployant en contrebas d’une montagne principale d’où le cuivre était extrait puis fondu. Des monastères bouddhiques ornés de sculptures en terre crue et de peintures murales ainsi que des chapelles insérées dans le tissu urbain témoignent de la prospérité économique du lieu, au moins du IIIe au VIIIe siècle. Le site et la mine de cuivre semblent être abandonnés ensuite. Si les fresques ont été déposées au musée national à Kaboul, la majorité des sculptures monumentales reste menacée par l’éventuelle mise en œuvre d’une mine à ciel ouvert.
Nicolas Engel et Philippe Marquis
Article à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 613 (octobre 2022)
100 ans d’archéologie en Afghanistan
81 p., 11 €.
À commander sur : www.archeologia-magazine.com
« Afghanistan, ombres et légendes. Un siècle de recherches archéologiques »
Jusqu’au 6 février 2023 au musée national des arts asiatiques – Guimet
6 place d’Iéna, 75116 Paris
Tél. 01 56 52 53 00
www.guimet.fr
Catalogue, coédition MNAAG / Lienart éditions, 2022, 264 p., 39 €.