À Bruxelles, Bozar – Palais des Beaux-Arts fait revivre la fascinante cité antique d’Alexandrie. Remettant en question les fantasmes qui lui sont associés aussi bien en Orient qu’en Occident, l’exposition s’attache à la réalité du terrain archéologique pour offrir une vision renouvelée de l’histoire de cette capitale, du IVe siècle avant notre ère au IVe siècle après, de sa fondation à l’avènement de la chrétienté. Entretien avec Arnaud Quertinmont, conservateur au musée royal de Mariemont et commissaire de l’exposition.
Propos recueillis par Éléonore Fournié
Pourquoi avoir organisé dans cette exposition ?
2022 constitue une importante année pour l’égyptologie, puisque c’est à la fois le bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes et le centenaire de la découverte de la tombe de Toutânkhamon. Dans ce cadre-là, le musée royal de Mariemont a proposé à Bozar, le Palais des Beaux- Arts de Bruxelles, une exposition sur la ville d’Alexandrie car, d’une part, le musée y a fouillé, conjointement avec le Centre d’études alexandrines (CEAlex), pendant une dizaine d’années et, d’autre part, il conserve d’importantes collections provenant de cette ville, dont un buste colossal (près de 3 m de haut !) et une série de têtes de reines, tous de l’époque ptolémaïque. Nous souhaitions ainsi dévoiler au grand public cette Égypte des Ptolémées. Bozar et le Mucem de Marseille (troisième co-organisateur de l’événement et qui accueillera l’exposition en 2023) ont apposé leur marque en apportant une dimension contemporaine au propos.
Comment se distingue-t-elle des autres expositions organisées sur Alexandrie ?
Il y a déjà eu de nombreuses expositions sur ce thème dont celle du Petit Palais à Paris, en 1998, « La Gloire d’Alexandrie », qui a beaucoup marqué le grand public. Mais, depuis, les fouilles archéologiques et les recherches scientifiques sur la ville antique ont été nombreuses ; par ailleurs, nous souhaitions nous détacher d’une perception « mythique » ou « divine » de la cité pour revenir à une perception beaucoup plus factuelle et urbaine. Que sait-on exactement de la ville et du quotidien des Alexandrins dans l’Antiquité ? Nous apportons des éléments de réponses, qui demeurent toutefois partiels car une partie de la cité s’est effondrée dans la mer (notamment lors d’un tsunami en 365) et seuls les témoignages des élites nous sont parvenus…
Vous avez mentionné une dimension contemporaine. Quelle est-elle ?
Le parcours est ponctué de dix-sept œuvres d’artistes contemporains, du monde arabe et égyptien en particulier. Toutes viennent questionner notre regard sur Alexandrie et ses monuments, devenus des icônes du patrimoine mon- dial. Ellie Ga s’interroge par exemple sur le phare : son histoire, sa perception au fil des siècles, les hypothèses sur sa reconstitution. Elle propose un diaporama qui dialogue avec une maquette en liège, des monnaies antiques ou un manuscrit arabe montrant l’édifice en ruine. À partir de ces images, on voit comment s’est construit le mythe autour de ce monument et comment sa splendeur disparue a généré quantité de fantasmes. D’autres œuvres soulignent que l’art et la pensée égyptiens ont irrigué l’intégralité du monde occidental pendant des siècles : la bibliothèque d’Alexandrie, brûlée, vit toujours dans toutes les bibliothèques du monde entier. Le patrimoine pharaonique a transcendé l’Égypte pour devenir mondial. Les artistes s’intéressent aussi beaucoup à ces phénomènes de « percolation » de la civilisation égyptienne dans la pratique artistique contemporaine et aux chemins qu’elle a empruntés pour parvenir jusqu’à eux.
Entretien à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 613 (octobre 2022)
100 ans d’archéologie en Afghanistan
81 p., 11 €.
À commander sur : www.archeologia-magazine.com
« Alexandrie : futurs antérieurs »
Jusqu’au 8 janvier 2023 au Bozar – Palais des Beaux-Arts
Rue Ravenstein 23, 1000 Bruxelles
Tél. 0032 2 507 82 00
www.bozar.be