Le musée Cernuschi nous invite à (re-)découvrir l’itinéraire et les voyages de son illustre fondateur, Henri Cernuschi (1821-1896). D’octobre 1871 à décembre 1872, le banquier milanais parcourut en effet le Japon, la Chine, l’Indonésie, Ceylan et l’Inde, se constituant l’une des plus incroyables collections européennes d’art asiatique de son temps. Panachant bronzes (dont il comprend très vite la valeur), céramiques, peintures, estampes, objets en bois laqué et sculpté, photographies ou livres illustrés, il réunit plus de 5 000 œuvres, dont un florilège est présenté dans l’exposition. Cette dernière permet aussi de percevoir l’engouement inédit suscité par ces pièces singulières à la fin du XIXe siècle – une révolution du goût qui éclatera alors sous le nom de japonisme. Souhaitant créer l’un des tout premiers musées d’art asiatique du monde, Cernuschi fait construire, pour abriter ses collections, un hôtel particulier à l’orée du parc Monceau, écrin intemporel que l’on ne se lasse pas de visiter.
Vestige d’une triade
Cette sculpture appartenait probablement à une triade associant le Bouddha, en position centrale, aux bodhisattvas Samantabhadra et Mañjuśrī, essentiellement reconnaissables à leur monture, respectivement un éléphant et un lion. Ces deux bodhisattvas sont les plus vénérés en Chine en raison de leurs qualités salvatrices : l’un incarne la sagesse, tandis que l’autre est associé aux bonnes œuvres et aux pratiques spirituelles. Cette œuvre est constituée de trois parties : la monture, la fleur de lotus et le bodhisattva. Les boucles d’oreilles et les mèches qui se déploient sur ses épaules sont inspirées des styles népalo-tibétains, introduits à la cour sous les Yuan (1279-1368). Le bandeau ceignant la chevelure et la pilosité faciale sont d’ailleurs des héritages de cette époque. Toutefois, le traitement du vêtement monastique et de ses galons brodés ainsi que la stylisation des mèches de cheveux plaident plutôt pour une fabrication au début du règne des Ming (1368-1644).
Un bol à offrandes impérial
Cet élégant récipient est un exemple aussi rare qu’important de bronze rituel impérial Song (960-1279). Inspiré d’un prototype créé sous la dynastie des Zhou de l’Ouest (vers 1050-771 avant notre ère), il servait de bol à offrandes (contenant de la viande hachée et des légumes en sauce) et était placé sur un autel dans le monastère taoïste palatial. Le corps et le pied ont été ici coulés séparément, puis soudés, à la différence des récipients anciens, fondus en une seule pièce. L’inscription gravée en trente caractères archaïques sur le pourtour de l’embouchure indique que ce récipient a été réalisé sur ordre de l’empereur Lin Lingsu (1076-1120) en 1118.
Bassin rituel ou du quotidien ?
Les spécialistes considèrent que les bassins jian servaient à contenir de l’eau, mais leurs avis divergent quant à leur utilisation : rituelle ou quotidienne ? Apparaissant au VIe siècle avant notre ère, ces vases présentent une panse demi-sphérique, un col resserré et droit et quatre anses ornées de masques zoomorphes (ici perdues). À partir du Ve siècle avant notre ère, la composition de leur décor suit presque toujours le même modèle avec plusieurs registres superposés. Cet exemplaire se distingue par la présence, unique à ce jour, de dragons entrelacés dont les corps forment un ruban ondulant, laissant supposer que cet exemplaire fut donc à usage rituel et funéraire.
Article à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 625 (novembre 2023)
Saint-Denis révélée par l’archéologie
81 p., 11 €.
À commander sur : www.archeologia-magazine.com
« Retour d’Asie. Henri Cernuschi, un collectionneur au temps du japonisme »
Jusqu’au 4 février 2024 au musée Cernuschi
Musée des arts de l’Asie de la Ville de Paris
7 avenue Vélasquez, 75008 Paris
Tél. 01 53 96 21 50
www.cernuschi.paris.fr
Catalogue, Éditions Paris Musées, 208 p., 35 €.
Les notices de cet archéofolio ont été rédigées à partir de celles du catalogue de l’exposition.