![Fouille dans la cour de l’aile d’Astrée au château de Dampierre. © DR](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/04/IMG_4756-scaled-1-edited.jpeg)
Le 5 avril dernier, la nouvelle ministre de la Culture a annoncé sur X (ancien Twitter) sa volonté de réformer la réglementation de l’archéologie préventive — message précédé d’un entretien accordé au Parisien sous-entendant que les archéologues creusaient des trous pour le plaisir. Des déclarations qui ont provoqué un vif (et justifié) émoi dans le milieu de l’archéologie préventive.
Posté sur X à l’occasion de l’inauguration des restaurations du château de Dampierre dans les Yvelines, le message de Rachida Dati souhaitait qu’en matière de réglementation dans le domaine de l’archéologie préventive :
— Ne soient retenues que les prescriptions archéologiques indispensables
— Des dérogations pour les prescriptions archéologiques soient possibles
— Soient adaptées les normes DOE au bâti ancien
La veille, dans un entretien publié par le journal Le Parisien, elle affirmait « qu’il ne faut pas faire des fouilles pour se faire plaisir » et qu’elle préférait « mettre de l’argent dans la restauration du patrimoine plutôt que de creuser un trou pour un trou ». Un désaveu de ses propres services qui avaient prescrit les fouilles dans le domaine de Dampierre, désaveu d’autant plus surprenant que ces dernières ont permis de retrouver les vestiges des anciens bassins et jardins, ce qui permettra de les recréer.
🏰 Hier au château de Dampierre avec @jnbarrot, l'histoire se rappelle à nous grâce à tous les artisans et à l’investissement de Franky Mulliez !
— Rachida Dati ن (@datirachida) April 5, 2024
La restauration méticuleuse de ce joyau patrimonial supervisée par l’expert Christophe Bottineau permettra à ce lieu chargé… pic.twitter.com/sIkTAWXRcJ
Un trou noir pour l’archéologie préventive ?
Phobie des trous, méconnaissance du dossier de l’archéologie au sein de son ministère (un ministre de la Culture ne peut tout connaître) ou provocation peu habile ? L’avenir le dira ; il faut désormais espérer que le ministère mène à bien une campagne préventive d’apaisement des esprits et de sensibilisation de la ministre.
Car ses propos sont aussi un désaveu de tous les archéologues qui, dans des conditions souvent difficiles, avec beaucoup d’abnégation et de désintéressement, dans des délais très contraints et par tous les temps, consacrent toute leur énergie à la préservation des vestiges de notre passé.
C’est aussi une méconnaissance des liens qui unissent la France à la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, adoptée à Malte le 16 janvier 1992 — même si sa mise en application dans notre pays a pris presque dix ans : loi du 17 janvier 2001 sur l’archéologie préventive, que semble encore ignorer notre valeureuse ministre.
Des gros trous, des gros trous, encore des gros trous…
Notre patrimoine archéologique est par essence non renouvelable et soumis à une érosion très rapide : en France sont aménagés (artificialisés) chaque année environ 50 000 hectares pour des constructions, carrières et voies de communication diverses, soit la surface d’un département français tous les dix ans, et beaucoup de gros trous creusés. Or seul un quart de ces opérations fait l’objet de sondages archéologiques préalables, qui ne débouchent sur de véritables fouilles à nouveau que dans un quart des cas.
Le poids économique des petits trous de l’archéologie préventive est d’autant plus faible qu’il ne dépasse en général guère 2 à 3 % du budget total d’une opération d’aménagement.
Alléger le dispositif de l’archéologie préventive française serait donc mettre encore plus en danger des vestiges archéologiques éminemment fragiles qui constituent pourtant une part essentielle de notre histoire, de notre mémoire et de notre identité. Aussi espérons-nous que la nouvelle ministre de la Culture pourra entendre et comprendre l’émotion creusée par ses propos chez tous les défenseurs du patrimoine et de l’archéologie.
![Talpa europaea, la taupe commune de nos jardins. © DR](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/04/taupe-tramper2-1200x800-1.jpg)
La rédaction d’Archéologia