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Aux Tarterêts, une autre (Pré-)histoire

Fouille du site. © C. Ollivier-Alibert
Fouille du site. © C. Ollivier-Alibert

Dans l’Essonne, sur les bords de la Seine, le quartier des Tarterêts a souvent mauvaise presse. C’est bien dommage. Il livre depuis des décennies les trésors d’un patrimoine fugace et inestimable, dévoilant une implantation humaine dès le Paléolithique moyen. Bilan d’un plan quinquennal de fouilles sur un site étonnant.

Nous nous étions rendus sur place lors de l’ouverture du chantier en 2019 (voir Archéologia no 580, p. 16). Désormais achevée, l’opération a, depuis, livré des éléments insoupçonnés. Comme nous le rappelle Cécile Ollivier-Alibert, responsable d’opération à l’Inrap : « Avec la géomorphologue, Christine Chaussé, nous avons identifié ce site lors d’un diagnostic mené en 2012 ; cette parcelle de 1751 m2 était en effet considérée comme sensible car d’autres gisements, les Tarterêts I et les Tarterêts II, découverts respectivement dès 1969 et 1970, avaient offert d’importants vestiges du Paléolithique supérieur. » Et si apparaissent alors des éléments lithiques et osseux (rennes et chevaux) qui semblent appartenir à des campements de chasseurs-cueilleurs du Magdalénien (comme sur le célèbre site d’Étiolles, étudié depuis 50 ans, de l’autre côté des berges de la Seine), la fouille ne se fait pas, l’aménageur choisissant finalement de retirer son projet… Mais sept ans plus tard, une opération d’archéologie programmée est organisée, associant archéologues de l’Inrap et du CNRS, avec le soutien du Service régional de l’archéologie.

Un méli-mélo de sites très anciens

Les premières surprises ont surgi avec les datations faites au carbone 14 – ce qui n’a pas été possible aux Tarterêts I et II. « Elles se sont avérées être très surprenantes car remontant de 25 500 à 15 700 avant notre ère, donc entre la fin du Gravettien et le Magdalénien moyen, séquence chronologique finalement assez mal connue dans le Bassin parisien. Ce site est donc bien plus ancien que celui d’Étiolles, daté aux environs de 13 000 avant notre ère ! », souligne Cécile Ollivier-Alibert. Cette constatation étonnante en a laissé place à une autre. En effet, comme le remarque Ludovic Mevel, chargé de recherche au CNRS : « Ces datations si dilatées dans le temps sont le signe qu’il ne s’agit pas d’un seul site mais de plusieurs. Situés le long des berges de la Seine, ils se sont effondrés au cours du dernier maximum glaciaire. Ces phénomènes de géomorphologie sont bien connus mais rarement documentés en contexte archéologique ; nous allons d’ailleurs beaucoup travailler, dans les années à venir, sur ces données pour comprendre les scénarios possibles. Pendant longtemps, nous pensions, faute de vestiges, qu’il n’y avait pas, ou peu, eu d’occupations humaines dans cette région pour ces périodes anciennes. Or on voit bien que ce qui est parfois interprété comme des absences de peuplement peut résulter d’une destruction naturelle… »

6 500 objets mis au jour

Même si ce site est bien plus ancien (quelques millénaires…) que celui d’Étiolles, il est intéressant de noter que les matières premières utilisées sont les mêmes : un silex local de très bonne qualité, qui a, entre autres, permis de réaliser les 6 500 objets mis au jour – surtout des outils avec de nombreux burins et des lames régulières de belles dimensions. Ce secteur extrêmement sensible archéologiquement l’est aussi socialement. Depuis de nombreuses années, l’association ArkéoMédia œuvre, à Corbeil-Essonnes, à la valorisation et la médiation notamment de ce site auprès des enfants dans les écoles et des habitants du quartier, qui est – et c’est peu de le dire… – le plus ancien de la ville.

Éléonore Fournié

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