![Vue du rempart nord de Mahasthangarh. © Mission française de coopération archéologique au Bangladesh](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2023/12/Bangladesh-1.jpg)
Fondée aux alentours du IVe siècle avant notre ère, Mahasthangarh, au Bangladesh, a été occupée de manière continue jusqu’au XIVe siècle et, partiellement, au‐delà. C’était une des grandes villes du monde indien dont elle marquait plus ou moins la limite orientale. Pundranagara, de son nom antique, était la capitale de la province de Pundravardhana, dans le nord du Bengale. Si les fouilles n’y ont véritablement commencé qu’au XXe siècle, une équipe franco‐bangladaise l’explore systématiquement depuis 1993, à raison d’une campagne par an.
En 1998, les lecteurs d’Archéologia (no 344, p. 52-65) découvraient le site de Mahasthangarh (souvent abrégé en Mahasthan), au Bangladesh. Une toute nouvelle mission française de coopération archéologique y travaillait alors depuis cinq ans, dans le cadre d’un accord inédit signé en 1992-1993 entre la France et le Bangladesh. Vingt-cinq ans plus tard, cette mission est toujours active : non seulement il s’agit de la plus longue coopération culturelle franco-bangladaise mais la France reste à ce jour le seul pays étranger autorisé à mener, dans la longue durée, des fouilles au Bangladesh, conjointement avec le Département d’archéologie de ce pays né officiellement en 1971.
Histoire d’un site au bord de l’eau
À raison d’un article tous les vingt-cinq ans, il n’est sans doute pas inutile de présenter à nouveau brièvement ce qu’est ce site archéologique ! Rappelons tout d’abord qu’en 1947 le Bengale a été coupé en deux, la partie occidentale revenant à l’Inde et la partie orientale au Pakistan, avant que cette dernière ne prenne son indépendance en 1971 pour devenir le Bangladesh. Toutefois, d’un point de vue historique et archéologique, le Bengale forme une unité, tant géographique que culturelle, et les frontières établies au XXe siècle n’ont ici guère de sens. Mahasthangarh (littéralement la « grande place fortifiée » en sanskrit) se situe au nord-ouest du pays, dans la division de Rajshahi, à quelques kilomètres au nord de la ville de Bogra. On peut déceler, au cours du temps, plusieurs régions historiques au sein du Bengale ; la partie septentrionale fait, quant à elle, partie de celles aujourd’hui traversées par la frontière avec l’Inde. Délimitée au sud par le Gange et à l’est par le Brahmapoutre, cette province portait autrefois le nom de Pundravardhana ; Mahasthangarh, alors appelée Pundranagara, en était sinon la capitale, du moins la ville principale. Mais, en cette zone de delta (le plus grand au monde), l’environnement a bien changé au fil des siècles, et le cours des fleuves et rivières a considérablement bougé, tandis que le golfe du Bengale devait initialement remonter beaucoup plus dans les terres qu’il ne le fait aujourd’hui. En d’autres termes, la situation de Mahasthangarh était autrefois beaucoup plus stratégique qu’elle ne l’est à l’heure actuelle. En effet, le site est bordé à l’est par la rivière Karatoya. Aujourd’hui, il ne s’agit plus que d’un mince filet d’eau aux méandres sinueux. Mais, tant les témoignages littéraires que les études environnementales attestent du fait qu’elle était autrefois un cours d’eau majeur. De fait, la Karatoya devait marquer la frontière orientale du Pundravardhana, c’est-à-dire, à l’origine, la limite entre le monde indien et l’Asie du Sud-Est. La dominant depuis la bordure orientale de la terrasse alluviale du Barind, Mahasthangarh contrôlait ainsi la circulation sur un grand axe fluvial allant de l’Himalaya à l’océan Indien.
![La rivière Karatoya coulant au pied des vestiges du temple de Govinda Bhita, au nord-est de la citadelle de Mahasthangarh. © Mission française de coopération archéologique au Bangladesh](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2023/12/Bangladesh-2.jpg)
Une citadelle entourée de temples et de monastères
Couvrant une superficie d’environ 7 700 km2 et traversée par plusieurs rivières, la terrasse du Barind (Varendra en sanskrit) domine donc le bassin du Bengale. Sa hauteur est somme toute modeste mais, dans une région aussi plate, elle suffit à transformer le site de Mahasthangarh en une sorte d’acropole qui devait être encore plus imposante lorsque les eaux, qui coulaient à ses pieds et qui, peut-être, l’entouraient partiellement ou en totalité par un système de douves, étaient plus abondantes. Aujourd’hui encore, l’élément le plus visible dans le paysage demeure les vestiges du rempart qui ceinturait toute la citadelle. Il n’existe plus à l’heure actuelle qu’à l’état de quelques assises de briques cuites mais, complet, il devait être particulièrement impressionnant, notamment dans les parties les plus élevées et à pic du terrain, du côté de la rivière. Formant un rectangle irrégulier, il s’étire sur 1,5 kilomètre du nord au sud et sur 1 kilomètre d’est en ouest. Il est percé de plusieurs portes, mais il est cependant difficile de savoir si elles sont toutes d’origine. Quoi qu’il en soit, la superficie enclose est très vaste et aujourd’hui trois villages s’y sont implantés, au milieu des champs cultivés. Plusieurs vestiges de diverses périodes construits eux aussi en briques cuites subsistent dans la partie orientale de la ville : temples hindous, demeure palatiale, mosquée, etc. La partie occidentale, quant à elle, semble à première vue vide de tout monument visible. Toutefois, Mahasthangarh ne se limite pas à la citadelle proprement dite car ses alentours fourmillent de nombreux tertres qui abritent des restes archéologiques plus ou moins identifiés, faute de véritables fouilles et – malheureusement – d’un pillage fréquent. On y trouve toutefois des temples hindous, tels celui de Govinda Bhita qui surplombe la rivière au nord-est de la ville, de même que plusieurs monastères bouddhiques. En effet, selon la règle monastique, ceux-ci devaient être installés à l’écart des villes, mais suffisamment près pour que les moines puissent aller y mendier leur subsistance. De la sorte, Mahasthangarh constituait, de loin, le plus grand ensemble urbain du Bengale, à l’exception de son « pendant » de Bangarh, situé au Bengale occidental indien et actuellement (très) partiellement fouillé.
![Un des monastères bouddhiques de Vasu Bihar, au nord-ouest de Mahasthangarh. © Mission française de coopération archéologique au Bangladesh](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2023/12/Bangladesh-3.jpg)
Vincent Lefèvre, directeur de la conservation et des collections au musée national des arts asiatiques – Guimet et chef de la mission française de coopération archéologique au Bangladesh, et Coline Lefrancq, chargée de recherche au CNRS, laboratoire ArScan UMR 7041 – équipe Asie centrale, et adjointe au chef de la mission française de coopération archéologique au Bangladesh
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Article à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 626 (décembre 2023)
Splendeur des collections antiques du Louvre
81 p., 11 €.
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