La nouvelle exposition du Louvre-Lens est le point d’orgue des manifestations célébrant le 200e anniversaire du déchiffrement des hiéroglyphes par Jean-François Champollion (1790-1832). Commissaire de l’exposition, Vincent Rondot, directeur du département des Antiquités égyptiennes au musée du Louvre, rend un hommage magistral à celui qui fut le premier professeur au Collège de France en égyptologie, mais surtout le premier, et génial, conservateur du musée égyptien du Louvre au début du XIXe siècle.
Propos recueillis par Éléonore Fournié
Au cours de l’année écoulée, les manifestations autour de Champollion et du déchiffrement des hiéroglyphes ont été nombreuses. Que peut‐on encore découvrir après Champollion ?
Tout dépend ce que l’on entend par découvrir ! Le mot lui-même est aujourd’hui lié uniquement au terrain de l’archéologie. Or, on peut faire des découvertes « en cabinet », entouré de livres, et d’un coup saisir un pan entier de l’histoire égyptienne, « loin du sable », comme le fit Champollion. Jamais tout n’a été dit sur un sujet donné, et plus on cherche, plus on trouve. La découverte peut aussi être la compréhension d’un phénomène : les choses peuvent rester obscures ou bénéficier d’une compréhension de convention, puis, grâce aux recherches, jouir d’une compréhension réelle. C’est exactement ce qui s’est passé pour Champollion : à son époque, c’est une compréhension de convention qui prévalait pour l’Égypte ; or il en a proposé une compréhension réelle ! C’est vraiment la marque de son génie… et des combats de sa vie. Il s’est battu contre les multiples compréhensions de convention qui existaient alors. Son entreprise fut totale, il a non seulement déchiffré une langue morte, mais aussi lancé une nouvelle science humaine et ainsi définitivement modifié notre rapport au monde et à l’Histoire !
Champollion a‐t‐il entièrement percé le secret des hiéroglyphes ou la connaissance de ces derniers a‐t‐elle encore progressé après lui ?
Celui qui a percé le secret des hiéroglyphes reste, et demeurera toujours, Champollion. Jamais personne d’autre ne les avait compris avant lui. Il nous a permis de les lire comme n’importe quelle autre écriture. En revanche, aujourd’hui, nous ne cessons de progresser dans cette lecture car, après tout, cela ne fait que 200 ans que nous les comprenons, ce qui est récent par rapport au grec que l’on étudie depuis beaucoup plus longtemps.
Dans le cadre de l’exposition, avez‐vous fait des découvertes « en cabinet » ?
Les découvertes sont constantes, dans la lexicographie par exemple. Les Égyptiens avaient de très nombreux mots pour qualifier la force du pharaon. Pour nous, ce riche vocabulaire est difficile à préciser. Quand on arrive à en comprendre le sens exact, nous faisons non seulement des progrès lexicaux mais aussi anthropologiques, car nous accédons à une appréciation plus fine de l’esprit des Anciens… Le bénéfice est alors considérable. Aujourd’hui les compréhensions lexicales et la paléographie (c’est-à-dire la manière dont un signe, et donc une lettre, évolue et se modifie dans le temps) constituent de vastes champs d’investigation et, il faut bien le dire, quantité de signes que l’on avait décrits, là aussi de façon un peu conventionnelle, se révèlent être tout autre chose que ce que l’on imaginait !
Entretien à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 613 (octobre 2022)
100 ans d’archéologie en Afghanistan
81 p., 11 €.
À commander sur : www.archeologia-magazine.com
« Champollion, la voie des hiéroglyphes »
Du 28 septembre 2022 au 16 janvier 2023 au Louvre-Lens
99 rue Paul Bert, 62300 Lens
Tél. 03 21 18 62 62
www.louvrelens.fr
Catalogue, coédition Louvre-Lens/El Viso, 2022, 400 p., 39 €.