
À Cherbourg-en-Cotentin, le musée Thomas Henry retrace l’histoire de la presqu’île, du Paléolithique moyen, il y a 300 000 ans, au début de la conquête romaine, vers 30 avant notre ère. Les découvertes archéologiques des vingt dernières années – dune fossile du Rozel, tombe à char d’Orval, village des Unelles à Urville-Nacqueville – ont en effet profondément enrichi la connaissance de la région.
La presqu’île du Cotentin a très tôt été insérée dans les réseaux d’échanges et a développé de nombreux liens avec le sud de l’Angleterre. « Cette relation avec les îles britanniques et le rôle de la mer constituent un des fils rouges de l’exposition », explique Cyril Marcigny, archéologue à l’Inrap, spécialiste de l’âge du Bronze, qui en a assuré le commissariat avec Dominique Cliquet, conservateur général de la Drac Normandie.
Empreintes de Néandertaliens
Le parcours, chronologique, débute aux premières traces d’occupations humaines connues, au Paléolithique moyen : en attestent notamment les foyers fouillés à Saint-Germain-des-Vaux et le site exceptionnel du Rozel, dune fossile qui a livré des centaines de traces de pas de Néandertaliens, adultes et enfants, datés vers 80 000, et dont l’exposition présente des moulages. On suit ensuite la néolithisation progressive de la région, dans le courant ou la fin du Ve millénaire : ici « le processus est relativement tardif et lent, comme en Angleterre ou aux Pays-Bas », commente Cyril Marcigny. La hache en jadéite ou la perle en variscite issues des fouilles de la commune des Pieux, venues de loin, montrent que le Cotentin s’intègre déjà au Ve millénaire dans les réseaux d’échanges qui se mettent en place alors dans toute l’Europe.

Haches, hallebardes, lunules
À l’âge du Bronze (2300-800) apparaissent des élites guerrières – connues notamment par la tombe d’un prince de Beaumont-Hague, avec ses pointes de flèches et ses poignards –, qui disparaissent au Bronze moyen au profit de fermiers et de très nombreux établissements agricoles. Le visiteur pourra admirer non seulement les céramiques datant de cette période mais aussi des haches plates en cuivre, des hallebardes, des lunules (parures en forme de croissant) en or, bien connues en Irlande et qui témoignent une fois encore des échanges avec les îles voisines. L’exposition se termine par l’âge du Fer et ses deux sites phares : la tombe d’Orval, tombe à char richement dotée, avec ses parures associant corail et pâtes de verre, et le village des Unelles à Urville-Nacqueville, établissement artisanal et commercial prospère occupé entre 120 et 80, qui façonnait notamment des bracelets en lignite. La matière première était alors importée d’Angleterre : c’est dans la baie de Kimmeridge, dans le Dorset, qui fait face au Cotentin que se trouvent les gisements les plus proches. Certaines sépultures de la nécropole, obéissant à des pratiques funéraires spécifiques, laissent même supposer que des Bretons étaient également installés dans ce village gaulois.

Alice Tillier-Chevallier
« Archéocotentin, la conquête d’une presqu’île »
Jusqu’au 12 mars 2023 au musée Thomas Henry
Esplanade de la Laïcité, 50100 Cherbourg-en-Cotentin
Tél. 02 33 23 39 33
www.cherbourg.fr
Catalogue, ArchéoCotentin. La conquête d’une presqu’île 300 000 à 30 av. J.-C, 2022, 96 p. – 20 €.
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