
Une fouille préventive menée à l’automne 2022 par Archéologie Alsace sur la commune de Sand, au lieu-dit Rohan, a révélé un ensemble funéraire pour le moins inhabituel. Le site, localisé en bordure de la route départementale 829 et décapé sur environ 5 000 m2, a permis de mettre au jour des vestiges allant du Néolithique à l’époque contemporaine. C’est dans la partie méridionale de la zone fouillée qu’un regroupement de sépultures de l’époque moderne s’est démarqué et a fait l’objet d’une attention particulière.
Les sondages réalisés avant la fouille avaient mis en évidence la présence de vestiges datant de la Protohistoire à l’époque contemporaine. Parmi ces structures, une sépulture avait été identifiée. Le défunt, inhumé en position « conventionnelle » mais orienté dans le sens inverse de la grande majorité des inhumations chrétiennes à cette époque, ne présentait pas de lésions traumatiques sur son squelette. La datation établie par radiocarbone à une période récente (époque moderne ou contemporaine) et l’originalité du lieu d’implantation de cette sépulture, en dehors du cimetière paroissial, à l’écart des habitations et de l’église, contribuent à son aspect inhabituel. L’étude des cartes anciennes a apporté des informations intéressantes sur la possible nature de ce lieu d’inhumation. D’après les plans des XVIIe-XIXe siècles, cette zone, située à la limite des territoires de Sand et de Benfeld, est évoquée comme un lieu de « justice », avec notamment la représentation graphique de deux gibets et d’une roue sur une carte de 1632. Ces espaces servaient à la fois à l’exécution et à l’inhumation de condamnés à mort entre le Moyen Âge et l’époque moderne, mais aussi de lieu privilégié pour accueillir les corps privés de sépulture chrétienne (excommuniés, suicidés, enfants non baptisés, etc.).

Un ensemble funéraire atypique
Le décapage extensif du secteur a révélé une quinzaine de sépultures regroupant les restes de dix-neuf individus, dont la majorité se concentre dans la partie sud du site, en bordure de la route départementale reliant Sand à Benfeld. Au moins trois de ces tombes accueillent plusieurs défunts au sein de fosses relativement étroites, ne permettant qu’une superposition des individus. Parmi les structures funéraires les plus remarquables, on note la présence d’une sépulture double comportant deux individus décapités (dont la tête a été déposée à hauteur des genoux pour chacun d’entre eux), ainsi qu’une sépulture simple dont le squelette présente des traces de violence. Celles-ci se manifestent par des fractures au niveau des membres inférieurs (jambes brisées au-dessus des genoux et repliées sur le tronc du défunt), qui peuvent avoir été infligées par le biais du supplice de la roue. Ce mode de torture consistait à maintenir la victime au sol, à lui fracturer les membres à l’aide d’une roue en bois qu’on lui faisait tomber lourdement dessus, puis à l’exposer sur une roue similaire, juchée en haut d’un mât en bois (les blessures conduisant à une mort par agonie). L’iconographie locale atteste la présence de ce type de structure de mise à mort (une roue est représentée sur une carte du secteur de 1632).
Bastien Prévot
Archéologue territorial, Archéologie Alsace

Article à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 618 (mars 2023)
Vaison-la-Romaine, dernières découvertes
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