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Débat préhistorique : les curieuses peintures rupestres de Valdeblore

Peintures du panneau 1 de l’abri 1 de Valdeblore. © Germaine Torto Salici
Peintures du panneau 1 de l’abri 1 de Valdeblore. © Germaine Torto Salici

C’est l’une des actualités préhistoriques majeures en ce début d’année : deux archéologues amateurs auraient trouvé à Valdeblore, dans le Mercantour, une « mini vallée des Merveilles » ! La découverte, si elle n’a pas manqué d’enthousiasmer les médias et le grand public, doit néanmoins être accueillie avec une certaine prudence par la communauté scientifique. En effet, l’article paru dans les Mémoires de l’Institut de Préhistoire et d’Archéologie Alpes Méditerranée (IPAAM) soulève plusieurs interrogations.

Cinq divinités ou chefs, trois chiens, six poignards, deux haches, un casque, un dolmen à couloir, une empreinte de pied, deux objets célestes, un piège de chasseur… La liste des thèmes iconographiques recensés par le numismate Claude Salicis (président de l’IPAAM) et ses collaborateurs sur les parois des quatre abris Pietri – du nom de leurs inventeurs – ressemble à un inventaire à la Prévert. À défaut de convaincre tout à fait quant à l’interprétation de chaque motif (les principaux sujets clairement identifiables sont des anthropomorphes schématiques), les nombreuses photographies publiées confirment la singularité de ces nouveaux pictogrammes alpins à propos desquels il est un peu dommage qu’aucun des actuels spécialistes de l’art néolithique peint du Midi n’ait – apparemment – été consulté.

Abri 2 de Valdeblore. © Germaine Torto Salicis
Abri 2 de Valdeblore. © Germaine Torto Salicis

Expertise…

Pour les auteurs de l’étude, les 120 peintures appartiendraient au Néolithique final ou à l’âge du Bronze ancien, vers 2000 avant notre ère. Comment sont-ils parvenus à cette attribution ? En l’absence de matériel archéologique sur le sol des abris peints, c’est la datation au carbone 14 d’une dent humaine provenant d’une cinquième cavité du secteur, la grotte Sainte-Catherine, non ornée quant à elle, qui a été retenue comme argument premier. L’extrapolation est assez audacieuse. En outre, de supposées correspondances avec les gravures d’armes de la vallée des Merveilles, non loin, et du Valcamonica, en Italie du Nord, sont invoquées afin d’étayer la chronologie ; mais encore faudrait-il que l’existence de telles images soit dûment attestée à Valdeblore – ce qui n’est pas le cas pour l’instant. Enfin, puisque d’habitude c’est la couleur rouge (ocre, hématite, bauxite) qui domine largement dans l’art pariétal holocène (à partir de 10 000 ans avant notre ère) de Provence et des Alpes, la rareté du pigment employé aux abris Pietri sème davantage le trouble : il s’agit de cargneule broyée, une roche sédimentaire locale variant du blanc cassé au beige clair orangé.

… et contre-expertise

Selon le souhait du service régional de l’archéologie de Provence-Alpes-Côte d’Azur, une contre-expertise devrait être menée prochainement. De deux choses l’une : soit les peintures de Valdeblore sont bien pré/protohistoriques, auquel cas les sites méritent de faire l’objet d’une protection stricte (les abris sont décrits comme faciles d’accès) et d’investigations plus abouties, soit elles ont été réalisées à une époque relativement récente (les abris sont décrits comme faciles d’accès…) et il faudra alors statuer sur leur intérêt scientifique.

Jules Masson Mourey


Pour aller plus loin :
SALICIS C. et al., 2023, « Les peintures rupestres schématiques postglaciaires du quartier Proïbit à Valdeblore (Alpes-Maritimes, France) », Mémoires de l’Institut de Préhistoire et d’Archéologie Alpes Méditerranée, t. 66, 138 p. https://hal.science/hal-03977154v1/document

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