
Début 2022, une équipe d’archéologues de la société ACTER a mis au jour à Montpellier une figurine en terre cuite, vieille de près de 6 000 ans, unique en son genre. En effet, de par son iconographie, elle se rattache à un type de représentation connu uniquement en Provence et, jusqu’à présent, nulle part ailleurs pour la période, en Europe occidentale et dans le monde méditerranéen.
Entre janvier et avril 2022, les archéologues ont donc mené une fouille préventive avant l’aménagement, par la SERM-SA3M, de la ZAC Port II Marianne République au sud-est de Montpellier. Cette opération scientifique, prescrite par l’État (Drac Occitanie), a révélé des occupations du Néolithique moyen chasséen (4300- 3600 avant notre ère) en rive gauche du Lez sur une surface de 4 600 m2. Ces implantations humaines se caractérisent par la présence de fosses, de silos dont certains ont été réemployés en sépultures, de foyers ou fours, de trous de poteaux et piquets, de palissades légères, ou encore d’une cave associée à un puits.
Un visage humain stylisé
C’est dans une couche de ce puits, très riche en mobilier archéologique (céramique, silex, os, charbons), qu’a été exhumé un objet en terre cuite rapidement identifié comme une représentation anthropomorphe. Ce buste d’environ 10 centimètres de haut figure un visage humain et possiblement ses épaules. Les arcades sourcilières et le nez sont matérialisés par deux axes orthogonaux, nommés « T facial » ; les yeux ont été perforés ; la bouche ne semble pas avoir été dessinée. Le visage est encadré de fines lignes parallèles qui se terminent possiblement en volute au niveau des épaules et se rejoignent au sommet du crâne en une sorte de « M » : ces motifs évoquent une chevelure ou une coiffe. Des indices – avant analyses – suggèrent que le visage était peint en blanc, alors que la « chevelure » était pigmentée en rouge. La morphologie générale laisse penser qu’il a pu s’agir d’une applique décorative, enchâssée dans un support (un autre objet portatif, un mur, etc.).

Des analyses en cours
Cet objet est unique à plus d’un titre. En effet, cette iconographie n’était connue, jusqu’à ce jour, que dans une petite zone de Provence, autour de la Durance, sur des stèles en calcaire de quelques dizaines de centimètres de haut ; ces dernières constituent un phénomène isolé dans le temps de par leur précocité car elles précèdent de plus d’un demi millénaire l’émergence de la statuaire mégalithique figurative. Les hypothèses sont nombreuses pour tenter d’expliquer sa présence sur un site languedocien. S’agit-il d’un témoin de contacts et d’échanges entre populations provençales et locales ? De la trace de populations mobiles entre les deux rives du Rhône ? Ou de l’adoption plus large d’une mode de représentation ? Une enquête pluridisciplinaire passionnante débute alors qu’une batterie d’analyses (sur les pigments et l’argile utilisés par exemple) est en cours afin de continuer à documenter et mieux le comprendre. Une étude stylistique et technologique permettra aussi de décrire finement les décors et les modalités de sa réalisation. Enfin, la figurine, relativement fragile, sera nettoyée, restaurée et stabilisée afin d’être exposée.
Wilfrid Galin