L’annonce a fait grand bruit en milieu de semaine dernière : une structure en bois découverte en Zambie aurait été réalisée il y 476 000 ans, c’est-à-dire il y a un demi-million d’années. Cette chronologie abyssale laisse perplexe : il s’agirait de la plus ancienne jamais façonnée par des humains. Mais qui furent ces humains capables d’une telle réalisation ? Décortiquons ensemble cette « nouvelle fracassante » !
L’équipe internationale à la manœuvre est dirigée par le professeur Larry Barham de l’université de Liverpool. Elle fouille un site préhistorique à Kalambo Falls, non loin des chutes de la rivière Kalambo donc, dans le nord du pays ; ce site, connu depuis les années 1950, avait déjà livré bon nombre de vestiges, mais souvent mal datés. Découverts en 2019, ces bois ont pu être précisément ancrés dans la chronologique grâce à la datation par luminescence des dépôts entourant les objets. Et c’est sans doute la première chose à signaler : rarissimes sont les témoins en matériaux organiques de ces grands âges tant ils se décomposent vite… Mais grâce à l’environnement sédimentaire de la rivière, ils ont pu être préservés.
Une plateforme fluviale ?
Cette structure, décrite par New Scientist, se compose d’« un rondin de 1,40 mètre de long posé sur un autre plus grand. Le rondin du dessus porte des marques d’outils et une profonde entaille au milieu. Il s’encastre ainsi avec le rondin du dessous en formant un angle de 75°, ce qui permet un assemblage relativement solide. » Emboîtés, ils correspondraient à une structure en bois de grande taille ou, en d’autres termes, à une partie de passerelle ou de plateforme utilisée dans cet environnement lacustre. Une collection d’outils en bois a également été mise au jour sur le site.
Homo heidelbergensis concepteur ?
Bien entendu se pose la question de l’humanité qui a conçu cette structure. Homo sapiens n’étant signalé sur le continent africain qu’il y a environ 300 000 ans, il s’agirait donc peut-être d’Homo heidelbergensis, connu dans la région pour cette époque. Il faudrait donc lui mettre à crédit (et pour la première fois) la construction d’une structure qui demande des capacités non seulement techniques remarquables, mais surtout intellectuelles inédites : vouloir transformer son environnement pour améliorer sa vie ! Car il ne s’agit pas ici d’outils ou de petits matériels utilitaires pour la chasse ou la cueillette, mais d’une véritable structure. Ce qui fait dire aux spécialistes que cette construction suggérerait un mode de vie peut-être moins nomade que ce que l’on envisageait jusqu’à présent – même si on pourrait la considérer comme ayant servi de manière saisonnière entre deux campements… Un petit pan de bois pour Homo heidelbergensis, un grand pas pour l’histoire de l’humanité.
Éléonore Fournié
Tous les détails de cette découverte sont parus dans Nature le 20 septembre dernier accompagnés de nombreuses photos : https://www.nature.com/articles/s41586-023-06557-9
