
Connue d’Ulysse dans l’Odyssée, célébrée dans les hymnes des poètes classiques, convoitée par tous les conquérants de la Méditerranée, Délos n’a cessé d’être au cœur des préoccupations des grandes puissances antiques, avant de devenir, selon un jeu de mots fameux dans l’Antiquité, Dèlos adèlos, « la visible invisible ». 150 ans de fouilles françaises majeures révèlent son riche passé : lieu d’abord sacré célèbre pour son sanctuaire dédié à Apollon, dominé ensuite par Athènes puis Rome, puis port franc cosmopolite et florissant attirant une élite méditerranéenne, ce minuscule îlot de 3,4 km2, aride et battu par les vents, offre à ses visiteurs un étonnant voyage, dans le temps comme dans l’espace.
Lieu de pouvoir minuscule et dépourvu de ressources naturelles majeures, Délos aurait-elle connu son étonnant destin, si, bravant la colère d’Héra, elle n’avait suivi la loi de l’hospitalité grecque et accueilli Léto sur le point d’accoucher d’Apollon et d’Artémis ? Son histoire de l’époque archaïque à celle de l’hégémonie romaine, aux premiers siècles de notre ère, est un paradoxe témoignant avant tout de l’extraordinaire inventivité et adaptabilité des hommes, quels que soient les changements politiques et culturels.

150 ans d’explorations archéologiques
Les fouilles de Délos débutent modestement en 1873 sur le mont Cynthe et se concentrent à partir de 1877 sur le sanctuaire d’Apollon. Entre 1903 et 1913, elles s’étendent à de nombreux secteurs de la ville antique grâce à la donation d’un millionnaire américain. Aujourd’hui, après un siècle et demi d’explorations archéologiques et d’études, Délos est devenue l’un des plus grands sites de Grèce et son musée le plus riche des Cyclades pour les périodes archaïque, classique et hellénistique.
Les pierres à bâtir : carrières locales et roches importées
La géologie de Délos est principalement composée de granites difficiles à tailler et, secondairement, de gneiss très fracturés et de marbres de qualité variable. Pour leurs pierres à bâtir, comme pour bien d’autres matériaux, les habitants de l’île ont importé davantage qu’ils n’ont produit. Un programme de recherche s’achève qui permet de comprendre comment Déliens et étrangers ont su combiner dans leurs constructions pierres locales et pierres importées.
Cuisiner, manger et boire dans l’îlot des Comédiens
Dans le quartier résidentiel de Skardhana, l’îlot des Comédiens naît d’une expansion urbaine rapide, due au nouveau statut fiscal de la cité devenue port franc en 167 avant notre ère. Cet îlot, parmi les plus richement décorés de l’île, accueille une population cosmopolite venue du pourtour de l’Orient méditerranéen, particulièrement active économiquement. Le point sur les habitudes alimentaires de ces résidents.

Chez Sarapis, Isis et Anubis
La Délos cosmopolite de l’époque hellénistique (IVe-Ier siècles avant notre ère) accueillait de nombreuses divinités « étrangères ». Parmi elles, les dieux égyptiens Sarapis, Isis et Anubis jouissaient d’une faveur toute particulière : pas moins de trois sanctuaires ont ainsi été découverts lors des fouilles de la ville. Ils sont parmi les mieux conservés et les plus anciens Sarapieia (c’est le nom qu’ils portent à Délos) de Grèce.

Le commerce à Délos et son architecture
Les raisons du développement du commerce à Délos sont dues à l’existence du sanctuaire, mais aussi à la situation de l’île au centre des Cyclades et à son statut de port franc qui a attiré un grand nombre de commerçants venus de Grèce, d’Italie, d’Égypte et d’Orient ! Les fouilles confirment l’image donnée par les textes antiques avec la découverte de très nombreuses installations commerciales.
L’agora des Compétaliastes : 15 siècles d’histoire, 125 ans de recherches
Découverte en 1894 en bordure méridionale du port antique, l’Agora des Compétaliastes n’a guère suscité d’intérêt durant un siècle. De 1994 à 2018, une étude pluridisciplinaire exploitant à la fois les archives de la Grande Fouille, l’état actuel des vestiges, les résultats de nouveaux sondages et l’analyse des inscriptions a été menée dans ce secteur. Elle a permis de retracer une histoire longue de près de quinze siècles et de comprendre les fonctions variées de cette place fréquentée, lieu de rencontres, d’activités commerciales et de cultes.

Les auteurs du dossier sont : Véronique Chankowski, directrice de l’École française d’Athènes (EFA) et professeure d’histoire grecque à l’université Lyon 2 ; Hélène Brun Kyriakidis, maître de conférence en archéologie grecque, Sorbonne Université ; Sandrine Elaigne, chercheure au CNRS, Maison de l’Orient, Lyon, UMR5138-Archéologie et Archéométrie ; Claire Hasenohr, professeure d’histoire grecque à l’université de Bordeaux, directrice d’Ausonius Éditions ; Pavlos Karvonis, maître de conférence en archéologie, université Aristote de Thessalonique ; Jean-Jacques Malmary, architecte, chercheur au CNRS, IRAA ; Jean-Charles Moretti, chercheur au CNRS, IRAA, directeur de la mission archéologique française de Délos

Dossier à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 622 (juillet-août 2023)
Délos, le miracle grec, 150 ans de fouilles
81 p., 11 €.
À commander sur : www.archeologia-magazine.com