
C’est à la faveur de l’aménagement d’une nouvelle sortie pour le RER B, voulue par la RATP, avenue de l’Observatoire à Paris, qu’une fouille est actuellement menée par l’Inrap sur 200 m2. Une petite surface de recherche qui a livré une immense surprise du IIe siècle de notre ère.
Fort prometteur, le sondage de 2021, prescrit par le SRA (service régional de l’archéologie) de la Drac Île-de-France et mené par l’Inrap, avait livré trois sépultures ; l’une d’elle contenait un squelette qui préservait dans sa bouche une monnaie (sans doute l’obole à Charon, le nocher des Enfers) remontant au début du IIe siècle. Préambule à une fouille qui allait s’avérer d’une richesse insoupçonnée : « il y a eu une prescription de diagnostic car nous soupçonnions être toujours dans le secteur de la nécropole sud de Lutèce », précise Camille Colonna, responsable d’opération et anthropologue à l’Inrap. Dite aussi de Saint-Jacques, elle se trouvait, comme attendu chez les Romains, tout le long d’une voie menant à la cité. Mise au jour lors des travaux haussmanniens des grands boulevards (Observatoire, Port-Royal) et du lotissement de parcelles au XIXe siècle, elle est alors observée par le grand Théodore Vacquer, premier archéologue parisien. Mais elle n’avait depuis plus jamais été étudiée. « Considérée comme la plus grande de Lutèce avec ses probables 4 hectares, elle livre de nombreuses sépultures (plus de 400 !) avec du mobilier bien daté ; pourtant, au XIXe siècle, on pense qu’elle s’arrête au niveau de l’actuel boulevard du Port-Royal car les sépultures se faisaient de plus en plus rares ; or la fouille a livré une toute autre image des lieux ! ».

Une cinquantaine de sépultures
La parcelle a effet dévoilé, à 2,30 mètres de profondeur, une cinquantaine de sépultures et tout laisse penser que la nécropole se poursuit au-delà de l’emprise. « C’est le premier point de cette fouille : avoir redéfini la limite méridionale du monde des morts ; et il s’agit bien de la même nécropole car le mobilier (pots en céramique, souvent très beaux et bien conservés, contenants en verre et dépôts de monnaies) est daté des premiers siècles ». De manière assez surprenante, la fouille n’a livré que des inhumations – les Romains pratiquant (plus ?) souvent l’incinération. Les défunts – des adultes, hommes comme femmes, aussi bien que des enfants – ont été placés dans des sarcophages en bois, dont on a retrouvé des lambeaux et les gros clous. Ils étaient habillés et chaussés (et parfois même dotés de plusieurs paires dans la même tombe – jusqu’à cinq dans la plus pourvue !), les petits clous trahissant une fois de plus cette présence, le cuir ayant disparu.

Des Parisii en « grappes »
L’un des points forts de la fouille réside aussi dans le grand nombre de sépultures et les très nombreux recoupements, un élément qui avait échappé aux observations du XIXe siècle. « Il y a parfois trois ou quatre niveaux de recoupements », précise Camille Colonna – ce qui rend d’ailleurs très difficile l’estimation totale de tombes dans ces lieux mais souligne qu’elles ont été utilisées sur du temps long. « Les sépultures ne sont pas organisées en rangées mais disposées selon une organisation qui aujourd’hui nous échappe, peut-être en « grappes », en regroupements familiaux », ajoute-t-elle.

Des études à venir
Si l’étude de terrain devrait permettre de mieux comprendre cette organisation, celles à venir se pencheront aussi sur les données du XIXe siècle afin de confronter recherches anciennes et actuelles. L’examen attentif des céramiques aidera à affiner la période d’occupation : si l’apogée de la nécropole se situe au IIe siècle, est-elle investie dès le Ier et toujours en fonction au IIIe siècle ? Les céramologues auront aussi à cœur d’analyser le contenu des récipients (à l’heure actuelle remplis de terre informe) qui peuvent préserver des dépôts (monnaies ou objets de parures comme cette belle épingle à cheveux en os déjà identifiée) ou liquides et nourriture (huile, miel…). Enfin, une étude anthropologique offrira une meilleure compréhension des défunts en définissant leur âge, sexe et éventuelles maladies et pathologies.
Valoriser ces découvertes
À noter, la présence d’une fosse unique et remarquable contenant le squelette d’un porc entier, celui d’un autre petit animal et deux récipients entiers en céramique : cette fosse ne serait donc pas sépulcrale à proprement parler mais aurait plutôt servi de « fosse à offrandes ». Qui étaient ces Parisii du début de notre ère ? Aucun monument en surface, inscriptions ou reliefs, n’ont été conservés, indices ténus qui auraient permis aux spécialistes d’en savoir plus. La mémoire de la nécropole s’est perdue au fil des ans, le secteur étant essentiellement dévolu à des jardins jusqu’au XIXe siècle. Amatrice de patrimoine, la RATP cherche aujourd’hui un moyen de mettre en valeur ces découvertes.

Éléonore Fournié