
La Ville éternelle nous offre une magistrale exposition sur l’empereur Domitien (51-96), prince complexe, maltraité par l’historiographie latine et mal compris par la postérité. Les récentes analyses des sources matérielles et épigraphiques nous en livrent toutefois une image plus objective, dévoilant un empereur attentif à la bonne administration, dévoué aux dieux, aimé du peuple et de l’armée.
Il fut le troisième et dernier empereur de la Gens Flavia, fils du premier, Vespasien, et frère du deuxième, Titus. Son célèbre portrait, conservé dans les musées du Capitole, ouvre l’exposition et révèle au visiteur le visage de celui que Suétone décrit comme un solitaire, capable, lorsqu’il s’ennuyait, de percer les mouches de son poinçon, isolé dans le palais impérial du Palatin ou dans les luxueuses villas à l’extérieur de Rome. Grand urbaniste, il reconstruisit les bâtiments publics brûlés lors des incendies tragiques de 64 sous Néron, de 80 sous Titus ou lors du siège du Capitole par les partisans de Vitellius, au cours de la guerre civile de 69, pendant l’année dite des quatre empereurs. Jeune encore, il échappa miraculeusement à ces troubles, déguisé en prêtre d’Isis, en se réfugiant chez le gardien du temple de Jupiter Capitolin. Sur les fondations de ce temple cher à son cœur, mais totalement détruit par les flammes et qu’il reconstruisit avec faste, se dresse aujourd’hui la Villa Caffarelli dont les salles (magie de Rome !) abritent cette belle exposition, fruit d’une collaboration scientifique entre le Rijksmuseum van Oudheden de Leyde et la Surintendance aux biens culturels du Capitole. Pour l’édition romaine, 36 œuvres se sont ajoutées aux 58 initialement exposées à Leyde (voir Archéologia n° 608, p. 8) : des portraits en marbre et en bronze de personnages impériaux et de divinités, des éléments de décoration architecturale en marbre blanc et coloré, des objets en or et en bronze.

Raffinement et obsession
Habité par le concept de continuité dynastique, Domitien établit près de la demeure de son père Vespasien, sur la colline du Quirinal, le sanctuaire de la Gens Flavia à la gloire des membres de la famille impériale : la tête colossale de Titus déifié, exceptionnelle, et les fragments de la donation Hartwig (un marchand du XXe siècle) laissent imaginer la majesté de ce complexe architectural. Les figures de Vespasien et de Titus côtoient, dans l’exposition, des représentations des augustes Domitia Longina, épouse de Domitien, et Julia, sa nièce et maîtresse, fille de Titus. Leurs coiffures raffinées étaient imitées par les dames d’un Empire qui rayonnait alors jusqu’aux frontières de l’Afrique et de l’Asie et rapportait de ces territoires exotiques des êtres fabuleux comme ce rhinocéros, décrit par Martial, qui stupéfia le public lors de son apparition dans l’arène du Colisée. Le fragment d’une amphore provenant d’Ostie est du plus grand intérêt, explique la commissaire de l’exposition, Maria Paola del Moro : estampillée Palfurio Saura, ami intime de Domitien et célèbre délateur, elle confirme que l’empereur, de plus en plus centralisateur et obsédé par les complots, semait la terreur chez les sénateurs, mais aussi chez les philosophes, les juifs et les chrétiens en favorisant la délation. Après être tombé sous les poignards des conspirateurs, il est incinéré ; c’est sa nourrice Phyllis qui déposa ses cendres dans le temple familial, les mêlant à celles de Julia, peut-être son seul véritable amour.

Daniela Fuganti
Traduction Carole Cavallera
« Domiziano Imperator. Odio e amore »
Jusqu’au 29 janvier 2023 au Musei Capitolini Villa Caffarelli
Piazza del Campidoglio 1, 00186 Rome
https://museicapitolini.org