
Le musée archéologique de Saint-Raphaël consacre une exposition au Magenta et à sa cargaison carthaginoise, récupérée dans la rade de Toulon à la suite d’une explosion en 1875. L’occasion de découvrir ces collections antiques, la vie à bord du cuirassé et les prémices de l’archéologie sous-marine.
Dans la nuit du 31 octobre 1875, un incendie se déclare sur le Magenta amarré dans la rade de Toulon, avec à son bord 2 080 stèles puniques, 46 caisses d’antiquités et une statue d’impératrice romaine : le cuirassé arrive en effet tout juste de Tunisie et rapporte le fruit des fouilles archéologiques menées à Carthage par Évariste Pricot de Sainte-Marie. La cité punique, qui fut la grande rivale de Rome, détruite en 146 avant notre ère puis reconstruite par les Romains pour en faire la capitale de l’Afrique proconsulaire, suscite la fascination, et les premières investigations sur le sol de la Régence de Tunis ont débuté à la fin des années 1850. Nommé premier drogman (interprète) au consulat général de France à Tunis en 1873, Évariste Pricot conçoit « tout de suite le dessein de consacrer [ses] loisirs à la recherche de stèles puniques et néo-puniques », comme il le raconte dans Mission à Carthage. La collecte s’avère des plus fructueuses et rassemble de très nombreux ex-votos, associant inscriptions et représentations figurées (offrandes, symboles religieux).
Des trésors envoyés par le fond
À Toulon, alors que l’incendie gagne les soutes à poudre, provoquant l’explosion, cette précieuse cargaison archéologique se retrouve projetée en mille débris par 15 mètres de fond. Son sauvetage est immédiatement entrepris : les scaphandres à casque (les « pieds lourds ») et un ponton-grue permettent de remonter une partie des stèles, des fragments de la statue – il manque une hanche et le visage – et des machines du cuirassé. Puis, l’épave du Magenta, dont les restes ont été sabordés, tombe peu à peu dans l’oubli. Elle est redécouverte en 1994 et fouillée par l’équipe de Max Guérout, qui retrouve le visage disparu et l’identifie comme celui de l’impératrice Sabine, épouse d’Hadrien (IIe siècle).

Une épopée archéologique
C’est cette épopée archéologique que retrace le musée archéologique de Saint-Raphaël, à travers la présentation des vestiges antiques (stèles, moulage du visage de Sabine conservé au musée du Louvre), du mobilier de l’épave témoignant de la vie à bord (encriers, pipes, vaisselle), des apparaux du navire et du matériel utilisé lors des premières investigations. « Le sauvetage du Magenta relève plus du ramassage de surface que de l’archéologie sous-marine, analyse Anne Joncheray, la directrice du musée. Il n’en reste pas moins un moment historique : pour la première fois, des hommes ont plongé sous la mer pour remonter des vestiges. » Les méthodes se font ensuite plus scientifiques quand elles s’attachent à conserver la mémoire du site, comme le fait Louis Boutan, pionnier de la photographie sous-marine, évoqué à travers son premier appareil photo et le caisson étanche qui le protégeait, ainsi qu’un film documentaire.
Alice Tillier-Chevallier
« Magenta : sur les traces des empires engloutis »
Jusqu’au 30 septembre 2023 au musée archéologique de Saint-Raphaël
Rue des Templiers, 83530 Saint-Raphaël
Tél. 04 94 19 25 75
www.ville-saintraphael.fr/cultivee/musees/ musee-archeologique