![Coffret en ivoire dit de Constantinople, avec scènes mythologiques et de combat. Xe‐XIe siècles. Paris, musée de Cluny – musée national du Moyen Âge. © RMN-Grand Palais (musée de Cluny ‐ musée national du Moyen-Âge) / image RMN-GP](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/02/sport-2.jpg)
Dans le cadre de la saison olympique et paralympique qui va marquer l’année 2024 en France, l’Hôtel départemental des Expositions du Var nous offre une plongée dans le monde du sport antique et médiéval. L’occasion de découvrir, grâce à un florilège d’œuvres iconiques, la manière dont se concevait cette pratique. Explications par les commissaires de l’exposition Jean-Paul Thuillier, historien spécialiste du sport antique et Sébastien Nadot, historien médiéviste.
Propos recueillis par Éléonore Fournié.
L’exposition débute avec la Grèce antique. Quelle est l’importance du sport à cette époque ?
Jean-Paul Thuillier : Elle est fondamentale ! Le sport tient alors une place considérable dont on ne se rend plus compte aujourd’hui. Il fait pleinement partie de l’éducation des aristocrates grecs, pour lesquels l’essentiel n’est pas de participer (l’idée leur paraîtrait complètement absurde !), mais bien de gagner ! Le sport est omniprésent dans la mythologie et dans la littérature antiques. Dans le chant XI de l’Iliade, Pélée dit à son fils Achille qu’il faut toujours être le meilleur et surpasser tous les autres – et tout aristocrate grec tient à respecter cette valeur. Dans l’Odyssée, souvenons-nous du concours athlétique d’Ulysse chez les Phéaciens ou encore de l’épreuve du tir à l’arc remportée haut la main devant les prétendants… Comme le rappelle le titre de l’exposition, le sport représente un défi pour soi-même et par rapport aux autres. Il n’est d’ailleurs pratiqué qu’individuellement – les sports collectifs, comme nous les connaissons aujourd’hui, n’existant pas vraiment. Le premier étage de l’exposition présente en parallèle le volet athlétique (avec les jeux gymniques) et le volet hippique (avec les compétitions de courses de char) de la vie du citoyen grec. Nous en profitons également pour aborder le sport étrusque, peu étudié et qui a beaucoup influencé le sport romain.
![Psykter attique. Athènes, fin du VIe siècle avant notre ère. Bâle, Antikenmuseum. © Antikenmuseum Basel und Sammlung Ludwig](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/02/Sport-3-scaled.jpg)
Parlons-en : le sport romain occupe la deuxième section de l’exposition. Quelles sont les différences avec le sport grec ?
J.-P. Th. : Si les héritages sont nombreux, un basculement s’opère. Dans le monde romain, les compétitions athlétiques, notamment la boxe, demeurent essentielles et, contrairement à ce que l’on peut lire parfois, les Romains sont très sportifs ; mais les jeux du cirque et les courses de char prennent définitivement le pas sur le reste. Les Romains héritent des Étrusques les courses avec trois chevaux – que les Grecs n’avaient pas. Se met alors en place ce que j’appelle le « sport spectacle », voire même le début d’un véritable « sport business ». Toute l’organisation des courses de char à Rome repose sur quatre factions (les blancs, les rouges, les bleus et les verts) qui s’apparentent véritablement à nos clubs contemporains. Cela draine un argent et un personnel considérables ; elles ont des locaux somptueux, des groupes de fervents supporters et instaurent un système de « stars », gagnant beaucoup d’argent. À Rome, l’« idole » par excellence est le conducteur de quadrige, appelé agitator, qui remporte des sommes folles et est adulé des femmes comme des hommes. On a identifié des dizaines de noms, avec souvent des palmarès extrêmement détaillés. Les courses de char ont duré plus d’un millénaire : c’est le plus long « sport spectacle » au monde.
![Copie de la statue du pugiliste assis. Résine métallique, 2022. Rome, museo nazionale romano.](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/02/sport-1.jpg)
La naissance du « sport spectacle » est- elle le seul changement ?
J.-P. Th. : Non, elle va de pair avec une véritable professionnalisation des athlètes. Auparavant, en Grèce, et peut-être au début de la Rome antique, il faut, pour pratiquer un sport, avoir du temps, donc être un aristocrate. Or, petit à petit, en lien avec la multiplication des épreuves et des concours (des centaines !) qui fleurissent autour du bassin méditerranéen à partir de l’époque hellénistique (IIIe-Ie siècles avant notre ère), et les nécessités de leur préparation, de la rémunération des entraîneurs, des voyages pour y participer, se mettent en place un réseau et des carrières de professionnels. Toutefois, nous manquons cruellement d’informations sur ces sportifs et sur leurs origines sociales.
Un nouveau basculement s’opère-t-il avec l’époque médiévale ?
Sébastien Nadot : Une salle présente la transition entre Antiquité et Moyen Âge autour d’un objet particulièrement important : un coffret dit de Constantinople, réalisé en ivoire au Xe ou XIe siècle. Il montre clairement que les courses de char perdurent à Constantinople jusqu’au tout début du XIIIe siècle et que la rupture entre ces deux époques n’est pas aussi vive qu’on pourrait le penser. On constate aussi que les grands concours antiques sont remplacés par des manifestations spectaculaires d’un autre genre, utilisées par le nouveau pouvoir en place du système féodal. Une section dédiée au sport et à la diplomatie l’aborde : le premier doit être quelque chose qui se voit, qui se montre, et où l’on se montre, afin de servir la seconde.
![](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/01/quand-l-humanite-etait-plurielle_pdt_hd_54067.jpeg)
Entretien à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 627 (janvier 2024)
Quand l’humanité était plurielle
81 p., 11 €.
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L’EXPOSITION :
« Défis et sports, de l’Antiquité à la Renaissance »
Jusqu’au 24 mars 2024 à l’Hôtel départemental des Expositions du Var
1 boulevard Maréchal Foch, 83300 Draguignan
Tél. 04 83 95 34 08
https://hdevar.fr
![](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/02/Capture-decran-2024-02-16-a-16.12.43.png)
Défis et Sports, de l’Antiquité à la Renaissance, 2023
Cet ouvrage explore un peu plus de deux millénaires de pratiques et de spectacles sportifs […].
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