
Demain, de hautes tours de logements seront construites au cœur de cette commune du Grand Paris. Mais avant cela, un vaste chantier de fouilles, mené pendant 9 mois conjointement par l’Inrap et le service archéologique du Département du Val-de-Marne, s’est tenu dans le vaste quartier Ivry Confluences dit aussi ensemble BHV, car s’y trouvaient les entrepôts du célèbre bazar parisien. Rendus à l’aménageur vendredi dernier, les lieux ont livré de très rares témoignages du Néolithique.
Bien connue des spécialistes, la culture du Cerny correspond à une phase du Néolithique Moyen I, s’étendant de 4500 à 4000 avant notre ère. Identifiée au début des années 1960, elle doit son nom à la commune éponyme de l’Essonne et se caractérise notamment par une céramique particulière à fond rond, au décor géométrique en bande et au poinçon, et à ses trois éléments de suspension ou de préhension. C’est ce type de tesson qui a été mis au jour en très grand nombre à Ivry-sur-Seine sur une parcelle de 4 000 m2 – attestant d’ailleurs d’une très grande variété de gabarits, allant de l’ustensile de cuisine aux jarres de stockage.

À l’intérieur de la palissade
Cette densité de vestiges vient du fait que la fouille se situe à l’intérieur de l’enceinte néolithique. En partie mise au jour, cette dernière était constituée de robustes troncs d’arbres ; il en fallut sans doute des milliers pour l’édifier. Ces bois non natifs de la région sont sans doute parvenus jusque-là grâce à un méandre de la Seine aujourd’hui disparu – une opération de construction qui devait être, dans son ensemble, fort coûteuse ! Profondément ancrée à un mètre de profondeur, cette palissade devait s’élever à au moins deux mètres de haut. Aujourd’hui le bois a entièrement disparu (récupéré ? dégradé ?) mais se repère aux très nombreux trous de poteaux qui parsèment le site. L’étude de cet ensemble constitue indéniablement une belle opportunité car, si les villages néolithiques sont rares en Île-de-France, leurs enceintes étaient jusqu’alors complètement inconnues !

Méli-mélo de constructions
Densément occupé pendant quatre siècles, le site a livré une vingtaine de bâtiments rectangulaires, imbriqués les uns dans les autres, montés en pains de terre crue malaxée et en bois – et il y en aurait tout autant enfouis encore en dessous. De fait, cette opération est rapidement devenue un véritable casse-tête pour la fouille et pour la compréhension de la succession des phases chronologiques… Du reste, ces constructions mesurent entre 15 et 20 mètres de long, pour 8 à 10 mètres de large ; la taille de leurs fondations suggère la présence d’un étage. Les 5 000 artefacts (fragments de silex, de céramiques et d’ossements d’animaux d’élevage) découverts vont être analysés dans les années à venir et permettront de mieux cerner l’évolution du paysage dans le secteur de la confluence de la Seine et de la Marne et les choix urbains et agro-pastoraux (quelle agriculture ? quel élevage ? quels outils ?) faits par ces populations sédentaires.

L’histoire continue
Enfin, si l’espace funéraire n’a pas encore été repéré, une tombe de femme, âgée d’une quarantaine d’années à son décès et dotée d’un poinçon en os d’une vingtaine de centimètre, a été identifiée. Vers 3900 ans avant notre ère, le site est déserté avant d’être réoccupé 2 000 ans plus tard (!) par les premiers métallurgistes de la région, au Bronze ancien (2500-2000 avant notre ère). Plus tard encore, alors que le secteur n’est plus propice à l’installation humaine en raison des crues de la Seine, un petit espace funéraire de la fin de la période gauloise est aménagé sur la parcelle. Deux tombes, bien dotées et datées du Ier siècle avant notre ère, ont été mises au jour – avec une tombe de femme et une autre dépouille sans tête ! Cela fait 12 ans que des fouilles sont menées dans ce quartier. D’autres sondages sont prévus pour 2024 et 2025, suivant les nombreux aménagements urbains que connaît la ville, au passé décidément aussi riche que son futur.

Éléonore Fournié
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