Située par 18 mètres de profondeur, en amont du barrage de l’usine marémotrice de la Rance, l’épave ZI24 a été découverte en 1989. En 1996, le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm) y réalise une expertise, restitue le plan du site, propose une datation de la fin du XVIIe siècle et une identification au César. Or des études menées par l’Association pour le développement de la recherche en archéologie maritime (Adramar) apportent de nouvelles informations à son sujet.
ZI24 doit son étrange nom à sa localisation géographique. Elle s’étend sur une vingtaine de mètres de long d’est en ouest et a livré, outre un alignement de onze canons de dimensions similaires disposés parallèlement, un abondant mobilier, constitué de fragments de céramique (grès normands et rhénans), de douelles de tonneaux, de briques de four, et de petits plombs, offrant un large spectre de datation car leur production et leur usage s’étendent du XVIe au XVIIIe siècle. L’emplacement de l’épave, à proximité de l’usine marémotrice de la Rance, complexifie l’investigation archéologique : les plongées se déroulent uniquement à l’arrêt de l’usine, soit durant une heure par jour, le courant induit par son fonctionnement interdisant toute plongée.
Une identification remise en question
En 2011 et 2012, l’Adramar réalise de nouveaux sondages sur l’épave, sous la direction de Alexandre Poudret-Barré et de Anne Hoyau Berry. Puis l’ensemble est à nouveau investigué en 2021 et 2022, toujours par l’Adramar. Une nouvelle étude dendrométrique réalisée par C. Lavier (Laboratoire C2RMN) avance une date d’abattage et de mise en œuvre des bois vers 1663-1665. Or le César, navire armé à la pêche et au commerce, voire corsaire en temps de conflit, fut construit en 1681, avant d’être affrété en 1691, puis de faire naufrage en 1692. Cela aurait donc impliqué un décalage d’une vingtaine d’années entre la date d’abattage des bois et celle de la construction du navire. L’enquête est relancée, d’autant que les observations diligentées sur le mode de construction du navire interpellent. Dans les parties basses, à proximité de la quille, les membrures sont en effet collées les unes aux autres sans présenter d’espace comme l’impose le schéma classique de la construction des navires du XVIIe siècle en Europe. Cela pourrait toutefois correspondre à un souhait de rendre le navire adapté à des conditions difficiles de navigation. C’est la grande enquête de Colbert sur les gens de mer de 1664 qui apporte des éléments de réponse. Ainsi, au XVIIe siècle, les armateurs français du port de Bayonne achètent des flûtes et des pinasses, de 200 à 300 tonneaux, et les modifient pour les renforcer dans les parties basses de la coque. Ils les font « doubler et mettre des membres en dedans pour les fortifier » afin qu’ils puissent résister aux glaces du Groenland. L’épave ZI24 pourrait ainsi correspondre à un navire construit pour la pêche en eau glaciaire reconverti en corsaire, ce qui justifierait la présence des onze canons. La mission 2022 a pour objectif de confirmer cette datation avec une nouvelle campagne de prélèvements dendrométriques, et d’évaluer l’emprise totale au sol du site en vue d’une programmation de recherche plus ambitieuse en 2023.
Anne Hoyau-Berry
Archéologue sous-marin à l’Adramar