![Détail du décor gravé de la stèle n° 1 de La Lombarde à Lauris-Puyvert (Vaucluse), collection du Musée Calvet, Avignon.](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/02/Unknown.jpeg)
Le musée de Préhistoire des gorges du Verdon ouvre ce mois-ci une exposition réunissant d’extraordinaires stèles anthropomorphes néolithiques, précieux témoignages des coutumes funéraires des sociétés provençales du début du IVe millénaire avant notre ère.
![Traces d’ocre révélées grâce au logiciel DStretch® sur la stèle n° 3 de La Puagère. © Jules Masson Mourey](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/02/quinson-1-216x300.jpg)
Nous sommes en 1838 à Sénas, dans l’est des Alpilles. Arpentant la garrigue sur son domaine de La Puagère, Prosper Renaux découvre par hasard dix petites stèles étrangement décorées. Le géologue s’interroge : que représentent ces pierres ? d’où viennent-elles ? de quand datent-elles ? à quoi servaient-elles ? Deux siècles après, tandis que le corpus des « idoles provençales » comprend maintenant cinquante exemplaires répartis sur dix-huit sites des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse, des Alpes-de-Haute-Provence et du Var, ce sont ces mêmes questions auxquelles se propose de répondre la nouvelle exposition du musée, à la lumière des plus récents travaux et des technologies numériques actuelles.
Précoces visages sculptés
À travers un parcours jalonné d’une dizaine de stèles originales – dont l’un des superbes spécimens de La Lombarde, trouvé en 1965 au bord de la Durance et habituellement conservé au château de Lourmarin – ainsi que de l’abondant mobilier issu des sites de La Bastidonne et de Beyssan, on comprend d’abord la précocité de ces visages sculptés vis-à-vis du reste de l’art statuaire néolithique d’Europe et de Méditerranée occidentale. En effet, alors que celui-ci ne connaît son apogée qu’au IIIe millénaire avant notre ère, les stèles de La Puagère et leurs semblables sont désormais datées entre 3900 et 3600 avant notre ère ! Déjà, en 1970, le préhistorien Jean Arnal les jugeait « lourdes de tous les marbres de l’Antiquité »…
Épineuses questions
![Stèle n° 2 de La Lombarde. © Jules Masson Mourey](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/02/quinson-2-177x300.jpg)
Puis est abordée l’épineuse question de l’interprétation. Si les premiers chercheurs, au XIXe siècle, confèrent à ces objets un rôle « religieux » (les images d’une divinité ?), d’autres spécialistes, dans les décennies suivantes, y distinguent plutôt des « monuments funéraires », voire des « substituts de défunts ». C’est cette troisième hypothèse qui tient la corde aujourd’hui, appuyée par de nouveaux arguments. L’absence systématique des oreilles et de la bouche n’évoque-t-elle pas des personnages disparus du monde des vivants ? Et la mort n’est-elle pas souvent associée, depuis le Paléolithique, à la couleur rouge ? Les petites idoles provençales étaient justement badigeonnées d’ocre ou de cinabre, tout comme certaines sociétés néolithiques voisines – en Espagne et en Italie – enduisaient de pigments rouges les squelettes de leurs inhumés. En Provence, puisque la pratique funéraire locale (la crémation) entraînait la disparition du cadavre, c’est probablement sur une figuration de ce dernier (la stèle) que le rouge rituel était appliqué. Après la combustion d’un bûcher couvert d’offrandes, les monolithes devaient ensuite être fichés au sol, à côté des cendres du mort. Quelle que soit leur signification, ces œuvres préhistoriques encore trop méconnues du grand public méritaient bien un coup de projecteur ! C’est désormais chose faite, jusqu’à l’hiver prochain.
Jules Masson Mourey
« Idoles néolithiques de Provence »
Jusqu’au 15 décembre 2024 au musée de Préhistoire des gorges du Verdon
Route de Montmeyan, 04500 Quinson
Tél. 04 92 74 09 59
www.museeprehistoire.com