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La grotte Cosquer ouvre ses portes à la Villa Méditerranée

Projet de restitution de la grotte Cosquer élaboré par le groupe Kléber Rossillon. © Kléber Rossillon
Projet de restitution de la grotte Cosquer élaboré par le groupe Kléber Rossillon. © Kléber Rossillon

Dans le numéro 274 de la revue Archéologia, daté de décembre 1991, paraissait un article consacré à la toute récente découverte d’une grotte ornée sous-marine située dans les Calanques de Marseille, article qui s’achevait ainsi : « L’accès au public du site pourrait se faire grâce à un fac-similé comparable à celui de Lascaux. » Il fallut plus de trente ans pour qu’une telle restitution voie le jour, mais c’est désormais chose faite : les visiteurs peuvent aujourd’hui admirer des copies des peintures, gravures et autres spéléothèmes restés accessibles aux seuls chercheurs jusqu’alors. Frédéric Prades, directeur de ce nouveau site conçu et géré par le groupe Kléber Rossillon et baptisé « Cosquer Méditerranée », revient sur la genèse de cet ambitieux projet.

Propos recueillis par Lucie Hoornaert

Depuis quand travaillez-vous sur ce projet de restitution de la grotte Cosquer ?

Cela fait plus de deux ans que nous travaillons sur ce projet. Le groupe Kléber Rossillon a d’abord répondu à un appel d’offre de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur pour proposer sa version de la grotte Cosquer dans la Villa Méditerranée. Puis est venu le temps de la conception et de la réalisation de ce projet dans toute sa complexité, puisqu’il s’agissait de faire entrer une grotte préhistorique dans un bâtiment très contemporain.

En effet, la restitution de la grotte a été conçue à l’intérieur de la Villa Méditerranée. Qu’est-ce qui a guidé ce choix ?

Ce lieu a été choisi par la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, qui est à l’origine du projet, et qui était partie du constat suivant : d’un côté, il était important de faire découvrir au public la grotte Cosquer, inaccessible et menacée de disparition à moyen terme, et d’un autre côté, la région possédait le bâtiment de la Villa Méditerranée, qui n’avait jamais vraiment trouvé sa vocation auprès du public, et qui était disponible. Fort de ces deux constats, le projet de la grotte Cosquer dans la Villa Méditerranée s’est imposé assez naturellement à la Région.

Pourquoi est-il important de reproduire cette grotte si particulière ?

La grotte Cosquer est sous-marine. Son entrée est très difficile à atteindre puisqu’elle se trouve à presque 40 m de fond ; elle n’est accessible que par un boyau naturel de plus de 100 m de long. Ce qui veut dire que seuls des spéléologues sous-marins confirmés et une petite poignée de scientifiques initiés peuvent aujourd’hui pénétrer à l’intérieur pour y mener des études. En trente ans, une vingtaine de personnes seulement l’ont visitée, essentiellement des scientifiques, pour y faire des relevés et des études des sols, gravures et peintures, mais le grand public n’a jamais pu s’y rendre. On ne peut envisager aucune ouverture dans cette grotte, puisqu’elle compose à elle seule un biotope particulier, avec un air sous pression, et que la moindre perforation de la falaise pour y créer une entrée pourrait déstabiliser complètement ce biotope. Il est également essentiel de la conserver car des études ont montré que le niveau marin continuait de monter, et que certaines peintures et gravures, qui étaient totalement à sec au moment de la découverte, sont déjà en partie submergées à certaines occasions.

Cosquer Méditerranée en cours de construction. © Kléber Rossillon & Région Provence-Alpes-Côte d’Azur / Sources 3D MC / Eiffage Thierry Lavernos
Cosquer Méditerranée en cours de construction. © Kléber Rossillon & Région Provence-Alpes-Côte d’Azur / Sources 3D MC / Eiffage Thierry Lavernos

La restitution est-elle exactement fidèle à la grotte originale ?

La restitution propose 1 750 m² de cette grotte sur les 2 200 m² de la grotte originelle, à l’échelle 1, c’est-à-dire sans modification de l’échelle de la grotte, des peintures et des gravures. Comment faire entrer cette structure dans l’espace de la Villa Méditerranée ? Laurent Delbos, qui est notre chef de projet, a l’habitude de dire que si l’on avait dû reconstituer une maison, on aurait pris la cuisine, la salle de bain et la chambre telles qu’elles sont, mais on en aurait modifié l’orientation et on aurait supprimé certains couloirs d’accès entre les pièces, afin qu’elles puissent entrer dans l’espace disponible. De la même manière, dans la restitution, nous avons des morceaux de la grotte qui sont tels que l’originelle, avec certains couloirs qui ont dû être supprimés et une orientation dans l’espace qui est légèrement différente de la réalité.

La grotte Cosquer est aujourd’hui immergée aux trois quarts, et accessible uniquement en plongée sous-marine. Le public voit-il de l’eau au cours de sa visite dans la restitution ?

D’une part, les parties immergées sont effectivement  matérialisées par de l’eau, par des bassins qui n’ont évidemment pas la profondeur des bassins de la grotte originelle, mais qui simulent cette profondeur. D’autre part, le visiteur a la sensation de plonger à 40 m sous l’eau pour aller découvrir la grotte : il entre dans le bâtiment par une passerelle, sur l’eau, à laquelle est amarrée une copie du bateau d’Henri Cosquer, le Cro-Magnon (un nom prémonitoire, car il le portait avant même la découverte de la grotte) ; il traverse ensuite la reconstitution du club de plongée de Cassis des années 1980, avant d’embarquer dans une cage de descente qui le conduit jusqu’au niveau -2.

Les visiteurs circulent dans la restitution de la grotte à bord de modules d’exploration. © Kléber Rossillon
Les visiteurs circulent dans la restitution de la grotte à bord de modules d’exploration. © Kléber Rossillon

Le parcours à l’intérieur de la restitution de la grotte est-il guidé ?

Le parcours est guidé, mais pas comme on l’entend habituellement : il ne se fait pas à pied, comme on peut le voir dans d’autres restitutions de grottes ornées, Lascaux ou Chauvet par exemple ; ici, les visiteurs montent dans des petits modules d’exploration qui peuvent embarquer jusqu’à six personnes et qui permettent de cheminer dans la grotte, à une hauteur prévue pour admirer les peintures et les gravures de façon optimale. Les audioguides dont ils sont munis se déclenchent alors automatiquement au fur et à mesure du parcours, ainsi que des animations lumineuses qui optimisent la découverte des peintures et des gravures.

Après son parcours dans la grotte, le visiteur aura accès au centre d’interprétation, situé au troisième étage du bâtiment. Qu’avez-vous souhaité mettre en avant dans ce lieu ?

Le centre d’interprétation, nommé galerie Méditerranée, propose trois étapes. Une première étape permet la transition entre la découverte de la grotte et la partie musée, avec la reconstitution d’un abri sous roche et un théâtre optique permettant de visualiser un paysage de l’époque gravettienne, animé par des procédés holographiques et vidéo. La deuxième étape consiste en un espace dédié au bestiaire de la grotte Cosquer et au rapport qu’entretenaient les sociétés paléolithiques avec le milieu marin (objets et copies préhistoriques, reconstitutions grandeur nature des animaux : aurochs, bison, mégacéros, pingouin, phoque, chamois, bouquetin…). Le troisième espace est consacré à la montée des eaux, à l’enchaînement des différentes périodes glaciaires et à la variation des niveaux marins.


Cosquer Méditerranée
Promenade Robert Laffont, Esp. J4, 13002 Marseille
www.grotte-cosquer.com

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