Des déjections fossiles de canidé, observées sur le sol de la Salle du Crâne de la grotte Chauvet, viennent d’être analysées. Elles proviennent des intestins d’une louve égarée là, voici 35 000 ans.
« Un Loup survient à jeun, qui cherchait aventure, Et que la faim en ces lieux attirait » : Jean de La Fontaine aurait pu écrire une nouvelle fable sur cet animal, dont plusieurs empreintes, des ossements et une dizaine de coprolithes (des déjections fossilisées) furent retrouvés dans les salles et galeries de la célèbre caverne ardéchoise. Classiquement, leur contenu révèle ce que l’animal a mangé, viande ou végétaux. Le coprolithe lupin de la Salle Hillaire (CCH1) a ainsi révélé deux grammes de pollens, correspondant à vingt-huit espèces végétales dont du pin, du genévrier, de l’armoise, correspondant à un paysage très ouvert de forêts traversées par de grands espaces herbeux.
Le festin de Dame Hersent
Le progrès des techniques d’analyse permet d’aller plus loin, comme pour celui dont il est question à présent (CCH3). Il se trouve dans la Salle du Crâne, connue pour ses cinquante-trois crânes d’ours, dont l’un fut déposé sur un bloc rocheux. Des prélèvements ont permis de dater ce coprolithe d’environ 35 000 ans, c’est-à-dire dans la période de décoration de la grotte Chauvet. L’étude de l’ADN a révélé qu’il s’agissait bien du produit de la digestion d’un loup femelle (Canis lupus), proche des loups gris actuels, mais appartenant à une ligne éteinte. De l’ADN d’ours des cavernes a également été identifié, en moindre quantité : la louve en aurait donc consommé. Au regard de la taille du plantigrade, difficile d’imaginer que Dame Hersent ait pu seule s’attaquer à lui. Il est plus vraisemblable qu’elle se soit régalée des restes d’ours décédés durant leur hibernation, et dont les ossements se rencontrent en grande quantité dans cette salle. Ce qui expliquerait sa présence aussi loin sous terre, fort inhabituelle pour cette espèce : c’est sans doute la promesse d’un grand festin qui lui a permis de surmonter la peur du noir absolu.
Jacques Daniel