L’état des connaissances sur un thème majeur de l’archéologie

La magie opère au musée des Confluences

Espace médiéval de l’exposition «Magique». Lyon, musée des Confluences. © Ph. Somnolet / Item, 2022
Espace médiéval de l’exposition «Magique». Lyon, musée des Confluences. © Ph. Somnolet / Item, 2022

Co-réalisée avec le Muséum d’histoire naturelle de Toulouse où elle a d’abord été présentée, l’exposition « Magique » s’arrête au musée des Confluences avec un parcours adapté aux collections du musée lyonnais. Alors qu’à Toulouse, les pratiques magiques étaient abordées sous l’angle des savoirs scientifiques et occultes, c’est la magie en tant que fait historique et culturel qui est traitée à Lyon.

À travers près de 400 objets – spécimens de sciences naturelles, pièces archéologiques et ethnographiques – exposés dans un espace de 700 m², le visiteur découvrira l’extraordinaire diversité des pratiques magiques à travers le temps et les sociétés, qui font de ce monde étrange de la magie un fait à la fois intemporel et universel.

La magie dans l’histoire de l’Occident

La visite commence donc avec la préhistoire et balaie rapidement les époques antiques. Le mot « magie » est issu du terme grec mageia, qui désigne la religion des mages perses. Né dans un contexte culturel précis pour désigner des pratiques religieuses barbares aux yeux des Grecs, le mot renvoie au domaine de l’étranger et c’est bien ce qui définit le mieux la magie : cette sphère de l’invisible que l’homme cherche à toucher par des pratiques rituelles, ce monde en marge des normes dominantes des religions officielles. Pline l’Ancien, dans son livre XXX des Histoires naturelles, est la source la plus importante sur la magie dans l’Antiquité. Il y détaille par le menu toutes les recettes pratiques pour guérir telle maladie ou éloigner le mauvais œil. Dans l’exposition lyonnaise, une vitrine présente en particulier un brûle-encens du IIe siècle après J.-C., gravé de formules incantatoires et découvert en 2005 à Chartres parmi un attirail qui appartenait à un magicien gallo-romain.

Magie et religion

La partie médiévale qui suit est particulièrement intéressante, car elle soulève la question du rapport entre la magie et la religion en Occident. On y découvre que le christianisme, jusqu’à une période avancée du Moyen Âge, accepte l’idée d’une magie naturelle des éléments. Ainsi, végétaux ou minéraux recèleraient des pouvoirs qu’ont théorisés au XIIe siècle la moniale guérisseuse Hildegarde de Bingen et l’évêque Marbode de Rennes. À la fin du Moyen Âge et à la Renaissance, un grand tournant s’opère en Europe. Il conduit à la diabolisation et à la criminalisation de pratiques jusque-là tolérées. Les fameuses chasses aux sorcières qui durant quatre siècles conduiront des dizaines de milliers de femmes au bûcher, avant la dépénalisation de la sorcellerie au XVIIIe siècle. Au même moment s’instaure la grande opposition entre science et magie. Le terme de « charlatan » est alors employé pour disqualifier devins et autres enchanteurs.

Ivoire magique. Hippopotame, Moyen Empire (2100-1760 avant J.-C.), Égypte. Marseille, musée d’Archéologie méditerranéenne. © Musées de Marseille / J.-L. Maby
Ivoire magique. Hippopotame, Moyen Empire (2100-1760 avant J.-C.), Égypte. Marseille, musée d’Archéologie méditerranéenne. © Musées de Marseille / J.-L. Maby

Un fait universel

Malgré ce contexte culturel, les pratiques magiques en Occident ne disparaissent pas. C’est un des grands intérêts de cette exposition de montrer qu’en ce domaine, notre Occident rationaliste n’a jamais abandonné des pratiques que l’on retrouve ailleurs dans le monde. Certes confiné dans une marge, le fait magique y est néanmoins présent partout. Une vitrine réunit par exemple des objets religieux, des amulettes ou des grimoires de préparation de sortilèges qui circulaient aux XIXe et XXe siècles dans les campagnes françaises. La mode du spiritualisme, qui se fonde sur la possibilité de communiquer avec les morts et les esprits, a connu un réel succès, en particulier dans les villes au sein des milieux bourgeois. La fin du parcours de l’exposition élargit le propos en offrant de découvrir l’universalité des pratiques. Avec le recours au pendule, aux cartes du tarot ou aux baguettes de Yi Jing, la divination permet d’en apprendre un peu plus sur l’élu de son cœur ou sur ses chances en affaires. Jeter un sort s’effectue selon les endroits du monde avec des décoctions accompagnées d’incantations ou avec des clous plantés dans une poupée. Et, bien sûr, les amulettes portées autour du cou vous garderont en bonne santé ou garantiront une chasse fructueuse.

Néo-sorcières et néo-chamanes

L’exposition « Magique » se conclut par l’évocation de la vogue actuelle des néo-sorcières et des néo-chamanes, en quête de nouvelles spiritualités et de retour à la nature. C’est finalement à un voyage au cœur de nos contradictions que nous convie cette exposition au contenu très riche. Concluons avec Pline l’Ancien que, si la magie est « le plus trompeur des arts » et qu’elle est « une chose détestable », il faut bien admettre que « les taupes guérissent la morsure de la musaraigne » !

Ludivine Péchoux


« Magique »
Jusqu’au 5 mars 2023 au musée des Confluences
86 quai Perrache, 69002 Lyon
Tél. 04 28 38 12 12
www.museedesconfluences.fr

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