
En cette année qui marque le double anniversaire du déchiffrement de la pierre de Rosette par Champollion en 1822 et de la découverte du tombeau de Toutânkhamon par Howard Carter un siècle plus tard, le Muséum de Toulouse s’intéresse à la momification, dans une exposition interdisciplinaire qui fait appel aussi bien à l’archéologie qu’à la biologie, la génétique, l’ethnologie ou la médecine légale.
Le terme de « momie » évoque immédiatement l’Égypte ancienne. Mais si le Muséum de Toulouse présente bien trois momies du pays des pharaons, issues de ses collections et restaurées pour l’occasion, l’exposition dépasse largement ce cadre géographique et historique. Car le mot a été pris ici dans son acception la plus large de « corps préservé », qu’il soit humain ou animal et que sa conservation ait été intentionnelle ou non. Dans une nature qui voue les corps à la décomposition, leur préservation est une exception ou un accident. Le parcours commence donc par une interrogation sur la mort elle-même, dans sa dimension physico-chimique et rituelle (inhumation, crémation, cannibalisme), sans oublier la question de l’après et du devenir de l’âme – question religieuse qui a pu aussi, dans l’histoire, intéresser la science. Des momies chinchorro, retrouvées dans le désert d’Atacama et datant de 7 000 ans avant notre ère, aux momies égyptiennes – parmi lesquelles de nombreux animaux (chats, chiens, oiseaux, poissons) –, des têtes réduites des Shuars d’Amazonie aux bras reliquaires du Moyen Âge occidental ou encore aux momies contemporaines d’un Lénine ou d’un Hô Chi Minh, d’innombrables civilisations ont cherché à arrêter le processus de décomposition. L’exposition en présente les techniques et les instruments : baumes, plantes aromatiques, natron – ce sel naturel utilisé par les Égyptiens –, couteaux d’embaumeur, crochets de décérébration, ou encore régime alimentaire suivi par des moines bouddhistes qui préparent leur corps puis l’empoisonnent peu à peu dans une démarche d’auto-momification.

Corps et âme
La conservation des corps peut aussi résulter de conditions climatiques ou environnementales propices : pergélisol à qui l’on doit des spécimens complets d’une faune aujourd’hui disparue comme le mammouth laineux, déserts où les premières momies égyptiennes étaient simplement enterrées, tourbières du nord de l’Europe qui ont livré des corps de l’âge du Fer, à l’image de l’homme de Clonycavan découvert en 2003 en Irlande, ou encore ambre, cette résine fossilisée qui recèle de nombreux insectes. Après ce tour d’horizon des momies artificielles et naturelles, l’exposition aborde pour finir les techniques modernes de conservation : née de la révolution du formol à la fin du XVIIe siècle, la thanatopraxie est utilisée notamment par la médecine, à des fins pédagogiques, et par les musées. La mort, souvent taboue en Occident, n’est pas un sujet facile. Le Muséum de Toulouse a fait le pari de la présenter de façon vivante et interactive, restituant à l’échelle 1 en couleur dans un caisson rétro-éclairé les personnages de six de ces momies, proposant de manipuler des vases canopes ou de mener l’enquête sur les traces du mammouth laineux sur tablette tactile. Le sens olfactif n’a pas été oublié : le visiteur pourra respirer les effluves d’une momie égyptienne et, s’il le souhaite, l’odeur de la mort elle- même. Afin de préserver néanmoins sa sensibilité, certaines momies, qui ne sont pas entièrement emmaillotées, sont exposées derrière une vitre sans tain, pour être éclairées à la demande seulement.

Alice Tillier-Chevallier
« Momies, corps préservés, corps éternels »
Du 22 octobre 2022 au 2 juillet 2023 au Muséum de Toulouse
35 allées Jules Guesde, 31000 Toulouse
Tél. 05 67 73 84 84
www.museum.toulouse.fr