De 1940 à 1943, le site de Gergovie est fouillé par une soixantaine d’étudiants majoritairement alsaciens qui, pour la plupart d’entre eux, s’engagent en parallèle dans la Résistance. À l’occasion du 80e anniversaire de la rafle qui provoque, en 1943, la dispersion du groupe, le musée de Gergovie revient sur l’histoire étonnante de ces résistants-archéologues qui s’étaient baptisés eux-mêmes les « Gergoviotes ».
À l’été 1940, à la suite de l’armistice, l’Alsace-Moselle est annexée par le Reich. Les 1 200 étudiants de l’université de Strasbourg, qui avaient été évacués en septembre 1939 et accueillis au sein de l’université de Clermont-Ferrand, doivent rentrer chez eux. Un professeur d’histoire, Gaston Zeller, propose alors, pour les retenir et leur éviter de se retrouver sous les drapeaux allemands, de lancer un chantier de fouilles sur le plateau de Gergovie. Depuis le XVIIIe siècle, le site de l’oppidum arverne, qui a vu s’opposer Vercingétorix et Jules César en 52 avant notre ère, est bien connu. Dans les années 1930, un comité franco-britannique, Pro Gergovia, a été institué pour poursuivre les recherches. Mais les fouilles n’en sont qu’à leurs débuts. La direction du chantier est confiée à Jean Lassus. « L’archéologue a travaillé en Syrie et a pu constater le peu de moyens alloués par la France en comparaison à d’autres pays. Il a l’ambition de faire de ces fouilles un exemple pour la recherche archéologique nationale, explique Arnaud Pocris, directeur culturel du musée de Gergovie et l’un des commissaires de l’exposition. Dans cette France du régime de Vichy qui souhaite mettre la jeunesse au travail, le projet reçoit le soutien des autorités, et notamment celui du général de Lattre de Tassigny. »
Fouiller et résister
Le général fournit donc tentes et cuisines roulantes, et met rapidement à disposition un officier pour dessiner les plans du bâtiment qui doit loger les travailleurs. C’est avec les vestiges de cette « Maison des étudiants », construite en 1940 et dont il ne reste aujourd’hui que les soubassements à proximité du musée, que commence le parcours de visite. Il se poursuit, toujours sur le plateau, par les deux zones fouillées dès 1941, sous la direction de Jean Lassus puis de Jean-Jacques Hatt : le quartier des artisans d’une part – objet aujourd’hui de nouvelles fouilles, appréhendables grâce à une plateforme métallique surplombante – et les remparts de l’autre, illustrés tous deux par les photos du chantier des années 1940. Le cœur de l’exposition, en intérieur, est consacré à l’engagement dans la Résistance : « S’il y a dès 1940 un “esprit de Gergovie” marqué, déjà, par des formes de désobéissance, l’entrée dans la Résistance, précise le commissaire, est liée à l’influence du professeur Jean Cavaillès, installé dans le village de Gergovie en 1941, où il fonde Libération-Sud. » Après avoir suivi l’histoire de ces membres de l’armée de l’ombre, le visiteur trouvera, pour finir, divers témoignages de leurs fouilles, intégrés au parcours permanent : quelques artefacts gallo-romains, du matériel archéologique (carnet de fouilles, lunette de géomètre) mais aussi des boîtes de conserve ou une bouteille de Cointreau parfaitement conservée, qui ont été retrouvés au sein des sondages réalisés à l’époque.
Alice Tillier-Chevallier
« Les Gergoviotes, des étudiants en résistance »
Jusqu’au 15 septembre 2024 au musée de Gergovie
Plateau de Gergovie, 63670 La Roche‑Blanche.
Tél. 04 73 60 16 93
www.musee-gergovie.fr