L’univers, on le sait depuis les années 1920, est composé de différentes galaxies, structures cosmiques rassemblant, sous l’effet de la gravitation, un ensemble d’étoiles, de gaz, de poussières interstellaires et d’éventuelles planètes. Mais quand et comment se sont-elles formées ? Quelle a été leur évolution ? L’« archéologie galactique » a précisément pour objet de reconstituer cette histoire, en s’intéressant à la plus proche d’entre elles, celle dont fait partie notre système solaire : la Voie lactée. Alejandra Recio-Blanco, chercheuse à l’Observatoire de la Côte d’Azur, nous présente sa spécialité.
Propos recueillis par Alice Tillier-Chevallier.
De quels « vestiges » les astrophysiciens disposent-ils pour retracer l’histoire de la Voie lactée ?
Nous utilisons les étoiles comme des traceurs fossiles. Celles-ci ont en effet, en fonction de leur masse, des durées de vie très différentes. Les moins massives, comme le soleil, sont celles qui durent le plus longtemps. Entre leur formation à partir d’un nuage de gaz et de poussières et leur extinction – quand l’ensemble de la matière a brûlé au fil des réactions nucléaires successives –, il peut s’écouler des milliards d’années : on estime par exemple que le soleil est vieux de quelque 4,5 milliards d’années. L’étoile finit souvent par exploser et une partie de la matière repart alors dans un nuage interstellaire, donnant naissance à une nouvelle génération d’étoiles… C’est en déterminant l’âge de chacune d’entre elles que nous pouvons reconstituer l’histoire de notre galaxie, et ce depuis ses origines il y a environ 13,5 milliards d’années, ce qui correspond également à la naissance de l’univers : on pense en effet que la Voie lactée s’est formée peu après le big bang, cette explosion initiale qui a marqué le point de départ d’un univers en expansion.
Quels ont été les événements majeurs dans l’histoire de la Voie lactée, après sa formation ? Et comment les reconstitue-t-on ?
Cette histoire est notamment marquée par l’absorption d’autres galaxies, plus petites – ce que l’on appelle une accrétion. Il y a 9 milliards d’années, par exemple, la Voie lactée a « mangé » Gaïa Enceladus, une galaxie d’une taille relativement importante, comparable par sa masse au petit Nuage de Magellan qui est visible aujourd’hui depuis l’hémisphère sud. Les étoiles issues de Gaïa Enceladus se distinguent par leur composition chimique : si elles présentent une proportion de fer comparable à celles de la Voie lactée, elles sont en revanche pauvres en calcium et en magnésium. Cette signature chimique est emblématique d’une origine extérieure. À l’heure actuelle, une autre accrétion est en cours, celle de la galaxie du Sagittaire, qui perd peu à peu ses étoiles : elle a traversé plusieurs fois le disque qui est au cœur de la Voie lactée, la dernière fois il y a 400 millions d’années, provoquant à chaque fois des perturbations – notamment des mouvements d’oscillation du soleil dans le plan du disque galactique. Outre ces accrétions, l’histoire de notre galaxie est aussi marquée par des migrations internes d’étoiles. Le soleil pourrait faire partie de ces migrants galactiques : alors qu’il se trouve dans une région intermédiaire du disque, il a une composition chimique qui correspond à celle de parties plus internes.
Entretien à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 628 (février 2024)
Mystérieux cerfs-volants du désert
81 p., 11 €.
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