
Nous vous en rendons compte régulièrement : l’archéologie ne cesse de se renouveler dans ses approches, ses méthodes ou ses outils. Le 21 septembre, c’est l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) qui propose, lors d’une journée d’étude à Nîmes, « quelque chose de neuf », selon les mots de son président, Dominique Garcia. De quoi s’agit-il vraiment ? Il répond, avec Jean-Yves Breuil, directeur adjoint scientifique et technique interrégional Midi-Méditerranée à l’Inrap, à nos questions sur cet événement.
Propos recueillis par Éléonore Fournié.
Quel est ce champ nouveau sur lequel l’Inrap s’investit ?
Dominique Garcia : Cette journée d’étude est l’occasion de mettre sous les feux des projecteurs une compétence que l’Institut a développée depuis plusieurs années, à savoir la manière d’exercer notre expertise au service du patrimoine monumental et, singulièrement, des monuments historiques qui bénéficient d’un statut juridique de protection. Les dernières décennies ont permis de forger des outils, d’acquérir une expérience et de constituer des équipes d’experts capables d’affronter tout type d’opération, que ce soit sous terre et sous mer, pour des vestiges allant du Paléolithique à la période contemporaine. Il y a aujourd’hui, en France, des centaines de sites archéologiques, inscrits ou classés au titre des Monuments historiques (des grottes ornées de Chauvet et Cosquer aux enceintes médiévales et modernes du Mans ou de Rennes, en passant par de grands sites du « récit national » comme Gergovie), qui ne sont pas menacés par des projets d’aménagements et que l’on pense bien connaître, sous prétexte qu’ils sont protégés et qu’ils nous semblent être éternels. Pourtant, comme l’a dramatiquement montré l’exemple de Notre-Dame, il n’en est rien ! Protéger un édifice ne suffit pas pour en avoir une bonne connaissance… L’archéologie est donc là pour étayer, compléter, « épaissir » les dossiers scientifiques de ces sites monumentaux, qui méritent des enquêtes approfondies, des études stratigraphiques, des prospections géophysiques, des modèles 3D, etc. Nos spécialistes pilotent une plate-forme scientifique et technique capable de produire des données, d’alimenter les dossiers patrimoniaux et culturels des sites archéologiques et historiques, et de les valoriser, qu’ils soient menacés de disparition ou qu’ils semblent ne pas l’être.

Est-ce toujours de l’archéologie préventive ?
Jean-Yves Breuil : Oui plus que jamais. Si demain il y a le moindre problème sur un monument (incendie, terrorisme, crue, guerre…), nous aurons la garantie qu’il sera parfaitement documenté ; par ailleurs, dans un contexte moins dramatique, nous intervenons en amont ou en parallèle à des chantiers de restauration. Ainsi à Nîmes, depuis près de quatre décennies, notre expertise permet de mieux appréhender les monuments antiques (amphithéâtre, enceinte, maison carrée) et médiévaux (cathédrale) et d’orienter les choix des architectes, historiens, conservateurs et restaurateurs concernés. Dans l’amphithéâtre, nos études ont amélioré et renouvelé la perception que l’on avait des lieux : avant le nettoyage des pierres, nous avons ainsi identifié des détails inédits, des inscriptions rarement observées, des sculptures presque effacées ; nous avons restitué l’emplacement d’une statue, précisé le placement des spectateurs, ou repensé le fonctionnement du chantier (son début, sa fin, son système d’approvisionnements ou d’ateliers). Pendant la restauration, le remplacement de blocs a permis d’observer des éléments en bois antiques encore conservés, apportant des informations nouvelles sur la chronologie de la construction. Nous éclaircissons l’histoire même de cet édifice de spectacle que l’on pensait connaître ! Sur la cathédrale, nous sommes en train de nous apercevoir que la construction romane repose presque entièrement sur de la réutilisation de blocs antiques ! On cherche maintenant à quels monuments initiaux ces pierres appartenaient…

Entretien à retrouver en intégralité dans :
Archéologia n° 623 (septembre 2023)
Mari, joyau des cités mésopotamiennes
81 p., 11 €.
À commander sur : www.archeologia-magazine.com
Retrouvez le programme complet de cette journée d’étude ici : https://www.inrap.fr/l-archeologie-au-service-du-patrimoine-monumental-expertise-recherche-17362