
Et si, parmi les auteurs des célèbres peintures de Bornéo, il y avait un artiste amputé du bas de la jambe gauche ? C’est ce qu’incite à penser la passionnante découverte d’une sépulture dans la grotte de l’île de Liang Tebo, en Indonésie.
Les regards se tournent de plus en plus vers Bornéo. Nous savions que son art rupestre, composé de scènes de chasse et d’empreintes de mains, était aussi âgé, sinon plus, que celui des parois de la grotte Chauvet. Mais qui étaient ses peintres ? L’un deux est réapparu, mis au jour en 2020 au pied d’une paroi peinte. Il fut enterré en position fœtale, avec une boule d’ocre (22 x 17 mm), ce qui pourrait indiquer que les fossoyeurs ont voulu souligner son lien (son métier ?) avec les peintures rupestres. Son âge (autour de 31 000 ans) est déjà, en soi, exceptionnel, car c’est la plus vieille sépulture identifiée dans les îles d’Asie du Sud-Est : l’Homme de la grotte de Callao (Homo luzonensis, 50 000 ans), retrouvé sur l’île de Luçon, aux Philippines, n’a, semble-t-il, bénéficié d’aucun traitement funéraire.
Un pied gauche manquant
Mais ce qui la rend plus exceptionnelle encore, c’est l’absence du pied gauche. L’analyse des autres ossements de la jambe par une équipe australienne et indonésienne indique que l’individu fut amputé, et qu’il a survécu plusieurs années. Ce qui implique, de la part du proto-chirurgien qui l’a opéré, une bonne maîtrise de l’anatomie, un savoir-faire dans le contrôle de l’hémorragie et une pratique confirmée dans la collecte des plantes médicinales, comme antidouleurs ou antiseptiques. Jusqu’à présent, l’une des plus anciennes amputations connues était celle de Buthiers-Boulancourt (Seine-et-Marne), datée d’environ 7 000 ans. Cette sépulture offre un bon dans le temps vertigineux ; et relativise, une fois encore, ce que nous croyons savoir quant aux connaissances de nos ancêtres.
Jacques Daniel