Tomber sur un os. Voilà ce que personne ne souhaite, sauf l’archéologue qui sait d’ailleurs que le hasard n’est pour rien dans cette affaire.
L’os raconte l’humanité que le fouilleur découvre, que le scientifique analyse, que l’historien met en récit pour raconter des vies passées, enfouies, ressurgies, remises au monde. Presque ressuscitées. L’os est l’archive la plus intime et la plus universelle qui soit. Il est, matériellement, ce qui subsiste des mortels que nous sommes, nous en 206 morceaux ou nos ancêtres des lignées directes ou fossiles, et des vertébrés avec lesquels nous cohabitons depuis si longtemps.
Un sujet brûlant
Étudié savamment et respectueusement, il est devenu un sujet brûlant d’actualité. Au nom des religions. Au nom des communautés. Au nom des gouvernements. Il devient (parfois) l’intouchable, l’inexposable, le ré-enfouissable. Le viatique d’une résilience des vivants. La politique qui s’est donnée pour mission de réparer le passé s’en est emparée, touchant ainsi directement la science (a-religieuse par essence, libre par nature), qui enquête au nom de la connaissance, sans délivrer de jugement. Inégalement traité selon sa nature, sa provenance, sa date, son histoire, l’os est au cœur de folles attentes (ADN oblige) et de nombreuses controverses. De manière paradoxale ou même contradictoire. Et sans que tous ceux qui sont (pourtant) humains ne soient égaux. Sans vilain jeu de mots, il faudra un jour cesser de tourner autour du pot et affronter (tous ensemble) l’os (de chacun) qui fait le quotidien de l’archéologie.
Anne Lehoërff
Professeur des universités, CY Cergy Paris Université