Depuis septembre 2023, en amont d’un projet d’aménagement urbain, les archéologues de l’Inrap s’affairent sur une grande parcelle (600 m2) du centre-ville de Mantes-la-Jolie. Tout à côté de la collégiale gothique Notre-Dame, ils font émerger le passé méconnu de la sous-préfecture des Yvelines.
Le passé de Mantes-la-Jolie revient parfois par bribes : certains se souviennent des bombardements alliés de 1944 qui ont ravagé la ville ; d’autres ont visité la sublime collégiale gothique ou ont été marqué par la tour-clocher Saint-Maclou, classée au titre des Monuments historiques depuis 1908 et dernier vestige d’une église paroissiale disparue dans le sillage de la Révolution… Mais pour la plupart, le canevas de l’histoire de cette ville est mité par les échecs des politiques urbaines (quartier du Val Fourré) des années 1960-70. Peu savent, comme le souligne Ludovic Decock, responsable scientifique de la fouille, que « située sur la Seine, Mantes fait partie d’un réseau de ports qui, partant de Rouen, remonte jusqu’à Paris en passant par Les Andelys, Vernon ou Poissy. » Drainant marchandises et richesses, ces villes médiévales se développent et se dotent de beaux monuments. Si aujourd’hui seule la collégiale en témoigne, la cité comptait auparavant un château et plusieurs prieurés – Saint-Martin (fouillé dans les années 1980), Sainte-Marie-Madeleine (fouillé en 2008) ou Saint-Georges.
Passés cachés
Réalisé en 1999, un premier diagnostic avait dévoilé, sous la place Saint-Maclou, la présence de sépultures et de maçonneries. Un autre plus récent, en 2022, sur la proche place du marché aux blés et dans la rue voisine des Marmousets, s’avère être tout aussi prometteur. La fouille, qui précède l’installation d’un îlot de fraîcheur et d’un miroir d’eau au cœur de la ville, se déroule en plusieurs étapes, strates par strates. « Nous avons commencé par retrouver des bouteilles et de la vaisselle du XXe siècle ainsi qu’une monnaie du régime de Vichy, nous raconte Ludovic Decock. Puis sont apparues des caves des anciennes habitations du Moyen Âge, remontant au moins au XIVe siècle, avec des aménagements successifs jusqu’à notre époque. » Tout aussi instructif est le cimetière paroissial dont 150 sépultures ont pu être mises au jour. « Cet espace sépulcral, extrêmement dense, existe au moins depuis le XIIIe siècle ; rogné dès les XVe ou XVIe siècles, il finit par être abandonné au XVIIe siècle comme le montre un pavage du règne de Louis XIV ». Enfin c’est l’église Saint-Maclou qui a retenu l’attention des experts : en effet, la paroisse est fondée en 1238 et l’église attestée à partir de 1245 ; cette dernière avait une place centrale puisque le maire y prêtait serment après son élection, y rendait la justice et pouvait y consulter la commission municipale. N’en demeurent plus que le bas-côté sud et sa tour-clocher du XVIe siècle. Mais le chevet de l’église est apparu, très abîmé. La suite des opérations, menées jusqu’en juin, devrait permettre d’en savoir plus à son sujet ; tout comme elle devrait éclairer les contours de l’ancien prieuré Saint-Georges ou l’organisation du tissu urbain et du cimetière au cours de ce long Moyen Âge…
Éléonore Fournié