
De nombreuses expositions ont pour ambition de toucher un très vaste public et constituent plutôt des événements que des moments de réflexion scientifique. La nouvelle exposition au Museo di Roma du Palais Braschi a, au contraire, le mérite incontestable d’offrir au public le fruit de plus de 40 ans d’observations et de recherches menées par les universités romaines, en particulier par La Sapienza, sur la Rome médiévale.
C’est donc une exposition insolite et précieuse qui propose une vue d’ensemble de Rome au Moyen Âge dont on peut aujourd’hui reconstituer partiellement le tissu urbain et topographique, caché entre la majesté des ruines antiques et la splendeur des palais et églises de la Renaissance et du Baroque. L’exposition couvre la longue phase historique du pontificat de Grégoire le Grand (540-604) à l’exil avignonnais (1308), siècles durant lesquels la ville joua un rôle clé en Europe. Tout au long du parcours, des documents rares et inestimables, des peintures, sculptures et mosaïques, illustrent les riches commandes des papes et des cardinaux pour le Latran, première basilique chrétienne et siège des papes au Moyen Âge, pour Saint-Pierre, lieu du tombeau de Pierre, pour Saint-Paul-Hors-les- Murs, mémoire de l’apôtre du peuple, ou encore pour Sainte-Marie-Majeure, gardienne des reliques de la crèche et première basilique dédiée à la Vierge. De splendides images d’icônes mariales miraculeuses, particulièrement vénérées par les fidèles, se mêlent au fastueux mobilier de demeures et palais, plongés dans l’animation d’une ville parsemée de boutiques d’artistes et d’artisans. Une salle est consacrée à la communauté juive, la plus ancienne au monde, installée à Rome dès le IIe siècle avant notre ère. L’Urbe avait un charme magique aux yeux des pèlerins, rois et empereurs qui, de toute l’Europe, venaient rendre hommage aux nombreuses reliques et au tombeau de Pierre. Les pèlerins portaient l’habit pour se faire reconnaître et bénéficier de soins particuliers ; autour de Saint-Pierre, des scholae avaient surgi pour les assister, dotées d’un hospice-hôpital et d’un cimetière.

Effervescence et effacement
« Contrairement aux idées aujourd’hui largement dépassées d’un Moyen Âge des ténèbres, cette période était fantastique », observe Marina Righetti, commissaire de l’exposition avec Anna Maria d’Achille. « Se donnait rendez-vous à Rome, autour du pape et de la curie, une concentration exceptionnelle de cerveaux, constituée de médecins, scientifiques, philosophes et traducteurs. Rome est une ville qui, chaque jour, réserve des surprises révolutionnaires comme la découverte, il y a 20 ans, de l’extraordinaire cycle pictural dans la salle gothique du monastère des “Quatre Saints couronnés”, qui a déstabilisé l’opinion reçue d’une peinture romaine du XIIIe siècle considérée comme peu novatrice et répétitive. » L’exposition propose une série de photos prises avant les ravages de la période fasciste : la percée de la Via dei Fori imperiali et de la Via del Mare, mais aussi la destruction de l’ancien tissu urbain du quartier des « borghi » autour de Saint-Pierre pour créer la via della Conciliazione, sans mentionner l’Autel de la Patrie dont l’édification a supprimé les trois cloîtres de l’église d’Aracoeli et les couvents adjacents. Une fresque très significative représente la « Rome veuve », une femme vêtue de noir qui occupe l’espace de toute la ville. Une Rome veuve de son pape parti pour Avignon, triste, sombre et abandonnée. Un événement qui a fortement marqué le destin de la ville puisque, comme l’observe Marina Righetti, « sans l’exil en Avignon, la Renaissance aurait pu naître à Rome ».

Daniela Fuganti
Traduction Agnès Charpentier
« Roma medievale. Il volto perduto della città »
Jusqu’au 5 février 2023 au Museo di Roma
Piazza di San Pantaleo, 10, Piazza Navona, 2, 00186 Rome (Italie)
www.museodiroma.it