Chère lectrice, cher lecteur,
Mandaté par Louis XV pour réaliser vingt-quatre vues des ports de France à la gloire de la Marine royale et de la vie grouillante de chaque port, Joseph Vernet entretint une bienveillante correspondance avec le marquis de Marigny, tout juste nommé directeur général des Bâtiments du roi. Sa commande resta inachevée, seules quinze marines furent réalisées. Présentées au Salon, elles assurèrent la fortune de l’artiste par le renom qu’elle lui procurèrent et comptèrent, en 1793, parmi les premiers tableaux exposés au Muséum central des arts, le premier Louvre. En 1943, treize d’entre elles furent attribuées au musée de la Marine dont elles devinrent les fleurons des collections.
Fondateur d’une dynastie de peintres
Peintre talentueux, inspiré par Poussin et Claude Gellée, Joseph Vernet fut le fondateur d’une dynastie de peintres : Carle, son fils, brilla dans la peinture de chevaux et de scènes militaires ; il excella aussi dans les scènes de genre et forma son propre fils, Horace, qui mena tout au long du XIXe siècle une prolifique carrière, s’affirmant comme l’artiste favori de Louis-Philippe. Joseph pleure pourtant aujourd’hui – et avec lui sans doute le marquis de Marigny. Ses somptueuses vues de ports, restaurées et exposées au musée de la Marine qui vient de rouvrir, prennent désormais place dans une petite salle en sous-sol, cloisonnée pour pouvoir montrer l’ensemble des marines, sans recul et piètrement éclairée – un naufrage ou presque dans ce musée nouvelle vague dont on attendait beaucoup, mais qui déçoit par sa présentation. Les chefs-d’œuvre de ses collections, pourtant nombreux, sont mal mis en valeur, tandis que l’approche documentaire, privilégiée dans son parcours, reste confuse.
Horace Vernet triomphe à Versailles
Heureusement ce Vernet qui pleure est consolé par un Horace qui rit (de triomphe) au château de Versailles. Le peintre favori de Louis-Philippe y est à l’honneur avec enfin une grande rétrospective (et un catalogue publié par les Éditions Faton). On y admire, en prélude, peint par son petit-fils, le fondateur de la dynastie attaché au mât d’un navire sur une mer démontée et ensuite toutes les facettes du métier habile d’Horace, dans une scénographie très réussie. Parmi les points d’orgue, une monumentale toile inachevée montrant un paysage orientaliste en cours d’exécution, découverte roulée dans les réserves de Versailles, et les célèbres salles d’Afrique et de Crimée habituellement fermées au public. C’est pour ces dernières que le peintre a livré, avec la Prise de la Smala d’Abd-el-Kader, son chef-d’oeuvre le plus audacieux, au cadrage cinématographique précurseur, la Prise du fort Saint-Jean-d’Ulloa au Mexique, une marine encore : bon sang ne saurait mentir !
La plus courte exposition du Louvre
Outre l’art du bel Horace, vous découvrirez dans ce numéro l’œuvre de Claude Gillot (1623-1722), l’un des rares maîtres connus de Watteau. Lisez précieusement l’article qui lui est consacré, car ce maître du dessin vient d’être auréolé d’un triste record : celui de l’exposition la plus courte de l’histoire du Louvre. Ouverte le 8 novembre, la rétrospective qui lui était dédiée a aussitôt fermé le 10 novembre à cause de la vétusté des circuits des fluides de l’ancien Muséum et des infiltrations qui en résultaient…
Chère lectrice, cher lecteur, d’excellentes fêtes, bien au chaud et au sec, loin de ces fluides qui obligent les artistes intrépides à s’attacher au mât des navires ou qui infiltrent les vieilles pierres des maisons, même les plus glorieuses !
Jeanne Faton
À lire :
L’Objet d’Art n° 606
L’Asie retrouvée
98 p., 11 €.
À commander sur : www.estampille-objetdart.com