Il incarnait et faisait rayonner depuis 45 ans l’emblématique fondation suisse dédiée à la mémoire de son frère Pierre. À la fois ingénieur, promoteur et grand mécène des arts, Léonard Gianadda s’est éteint le dimanche 3 décembre à l’âge de 88 ans des suites d’un cancer des os qu’il combattait depuis plusieurs années.
Né à Martigny en 1935, à l’ombre du Grand-Saint-Bernard, ce petit-fils d’immigré italien se passionne pour l’art et l’archéologie à la faveur d’un premier séjour effectué dans la péninsule durant son adolescence. En parallèle d’études à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, d’où il sortira diplômé en ingénierie civile (1960), Léonard Gianadda découvre le vaste monde en tant que photo-reporter. À son retour, il range son appareil photo et ouvre en 1961 un bureau d’ingénieur dans sa ville natale : il s’imposera en quelques années comme un magnat de l’immobilier qui au fil des décennies métamorphose la ville de Martigny.
Une année décisive
En 1976, le lancement du chantier d’un immeuble permet la découverte des vestiges d’un temple gallo-romain. La même année, son frère Pierre disparaît dans un accident d’avion à l’âge de 38 ans. La concomitance de ces deux évènements va décider Léonard Gianadda à élever sur les ruines exhumées une fondation culturelle, qui sera inaugurée en 1978 à la mémoire de son cadet. Dessiné par le magnat, l’édifice en béton armé aux faux airs de bunker est d’abord pensé comme un musée destiné à abriter les richesses archéologiques de la région. La Fondation Pierre Gianadda s’ouvrira finalement largement au monde de l’art, multipliant expositions et concerts.
Martigny, petite capitale culturelle
En 1984, ses jardins accueillent leur première exposition de sculptures, doublant cinq années plus tard leur surface à l’occasion d’une présentation dédiée à l’œuvre d’Henry Moore (1898-1986). Depuis lors, ce véritable parc de sculptures n’a cessé de s’enrichir, faisant dialoguer près d’une cinquantaine d’œuvres soigneusement sélectionnées par Léonard Gianadda : Maillol, Miró, Richier, César, Calder… Au fil des années, Martigny déroule le tapis rouge à la crème de l’art ancien et moderne : Renoir, Cézanne, Soulages, Caillebotte… La fondation accueillait il y a quelques mois les œuvres de Turner et déploie désormais une exposition faisant rugir les Fauves. En quelques décennies, la paisible cité du Valais s’élève au rang de petite capitale culturelle suisse : le 19 décembre 2018, elle célébrait pour son quarantième anniversaire ses 10 millions de visiteurs.
Un francophile passionné
Léonard Gianadda avait de longue date noué des liens avec la France. En 2001, il faisait son entrée sous la Coupole en tant que membre associé étranger de l’Académie après en avoir été correspondant à partir de 1993. Entre 2004 et 2010, il participe à la Commission des acquisitions du musée d’Orsay, ainsi qu’à celle du musée Rodin entre 2006 et 2012. Il avait en outre été élevé au rang de commandeur de la Légion d’honneur et de commandeur de l’Ordre des arts et des lettres. Infatigable mécène, il offrait l’année passée au musée des Beaux-Arts de Besançon et au musée Rodin l’édition d’un bronze du sculpteur du Penseur figurant un Victor Hugo chenu marchant d’un pas décidé.
Olivier Paze-Mazzi