
Dans le Rhône, le musée et sites gallo-romains de Saint-Romain-en-Gal consacre, jusqu’au 6 novembre 2022, une nouvelle exposition à la mission d’Hatnoub. Implanté au cœur de la Moyenne Égypte, dans l’antique province d’Hermopolis, ce site connu dès la fin du XIXe siècle a livré de très nombreux vestiges épigraphiques, de carrières d’albâtre, de voies, de pistes et de bâtiments divers, datant de l’aube de la civilisation égyptienne. Depuis 2012, les investigations menées par une nouvelle mission franco-anglaise, la mission épigraphique et archéologique d’Hatnoub, ont largement dépassé les attentes des chercheurs. Émilie Alonso, directrice du musée et commissaire générale de l’exposition, Yannis Gourdon et Jérôme Fage, commissaires scientifiques, nous révèlent la genèse de l’organisation de cette manifestation.
Propos recueillis par Lucie Hoornaert
Comment l’idée d’une exposition sur cette mission archéologique en Égypte est-elle née ?
L’équipe de Saint-Romain-en-Gal a de multiples compétences. Médiateur et chargé de projets au musée avec une solide formation en archéologie, Jérôme Fage a été sollicité par Yannis Gourdon pour participer à la mission d’Hatnoub. Émilie Alonso trouvait intéressant qu’il s’y rende avec l’idée que nous puissions, en retour, réfléchir ensemble à un projet de valorisation d’une opération archéologique à l’étranger dans un musée de site. L’archéologie expérimentale développée au sein de la mission permettait également d’envisager des projets communs qui s’inscriraient pleinement dans la philosophie du nouveau projet scientifique et culturel du musée. Enfin, l’épigraphie occupant également une place majeure dans la mission d’Hatnoub, l’idée de créer une exposition l’année de la commémoration du bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes s’est peu à peu imposée.

L’exposition rend compte du travail de recherche de disciplines très diverses, de l’épigraphie à l’archéologie, en passant par la taille de la pierre ou encore la céramologie. Comment s’organise le parcours de visite ?
Il est composé de six séquences qui conduisent le visiteur depuis la découverte du site d’Hatnoub jusqu’aux grandes pyramides de Gizeh, en suivant les derniers résultats obtenus par la mission franco-anglaise actuelle. Le parcours invite ainsi à se plonger dans le quotidien d’une fouille en Égypte, grâce à un film immersif, et à découvrir des nombreux objets taillés dans cette roche magnifique et emblématique qu’est l’albâtre égyptien.

Quels types d’objets et de documents le visiteur peut-il découvrir dans cette exposition ?
La plupart des pièces exposées sont des objets en albâtre provenant de différents musées nationaux ou étrangers. Toutes époques confondues, des premiers temps de l’Égypte pharaonique jusqu’à la fin de la période romaine, l’albâtre était considéré comme un matériau de prestige et souvent associé à l’idée de pureté. L’objectif est de rendre compte de l’incroyable diversité des usages de ce matériau dans l’art égyptien, malgré une destination majoritairement funéraire. Le visiteur pourra ainsi flâner au milieu de bijoux, de coffrets, de coupelles et de vases, de stèles, de statuettes et de statues… Des supports photographiques présentant des sarcophages et des éléments d’architecture permettent également de mieux apprécier cette richesse. Enfin, plusieurs ouvrages anciens et récents témoignent de l’évolution des connaissances épigraphiques, topographiques et archéologiques du site.

Vous accordez une place importante à l’archéologie expérimentale. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce point ?
Lorsque Jérôme Fage a rejoint la mission en 2019 pour fouiller un bâtiment situé à proximité de la carrière P, il était également question pour lui de lancer des pistes de réflexion autour des projets liés à l’archéologie expérimentale. Pionnier en la matière, le musée et sites gallo-romains de Saint-Romain-en-Gal a acquis une expertise remarquable dans ce domaine. Les recherches menées depuis 2012 à Hatnoub ont ouvert un large éventail de questionnements, surtout au sujet des techniques employées pour l’extraction, le transport et la taille de l’albâtre. C’est ainsi qu’a été lancée au musée, en avril 2022, la toute première résidence dédiée à l’archéologie expérimentale, permettant à Olivier Lavigne, maître tailleur de pierre, et à son équipe de collaborateurs de mettre à l’épreuve les hypothèses, les gestes et les outils en réalisant un lot de vases canopes en albâtre tels qu’il en existait durant l’Ancien Empire.

Quel est le lien entre la carrière d’Hatnoub et les pyramides d’Égypte ?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le lien entre Hatnoub et les grandes pyramides de Gizeh n’est pas l’albâtre, qui n’a jamais été utilisé pour la construction de ces tombeaux, mais la rampe qui a servi à sortir l’albâtre de la carrière P d’Hatnoub. C’est elle qui constitue le trait d’union entre ces deux sites. La rampe et son ingénieux système de halage des blocs sur une pente extrêmement raide datent tous deux de l’époque des grandes pyramides et posent la question de l’édification de ces dernières. S’il est acté qu’elles ont été construites au moyen de rampes, les recherches dans ce domaine buttent sans cesse sur le problème de la pente et de la manière d’acheminer des blocs pesant plusieurs tonnes jusqu’au sommet des pyramides. À travers cette exposition, nous apportons des éléments de réponse à cette épineuse question.

Quels dispositifs numériques avez-vous utilisés pour rendre le propos de l’exposition plus accessible au grand public ?
Afin de mettre en condition les visiteurs et de les familiariser à l’environnement de la mission, un film sur grand écran les immerge dans le paysage désertique du plateau d’Hatnoub et dans l’ambiance du chantier archéologique. Plus loin, une des séquences de l’exposition traitant des inscriptions retrouvées sur les parois de la carrière P d’Hatnoub intègre un écran tactile avec lequel le public peut interagir. L’objectif est de faire comprendre au visiteur le procédé numérique utilisé par les épigraphistes de la mission Hatnoub permettant de rendre visibles des inscriptions peintes presque imperceptibles à l’œil nu.

Pour aller plus loin :
Archéologia hors-série n° 36
Expédition en Égypte, des carrières d’Hatnoub aux grandes pyramides
68 p., 10 €.
À commander sur : www.archeologia-magazine.com
« Expéditions en Égypte. Des carrières d’Hatnoub aux grandes pyramides »
Jusqu’au 6 novembre 2022 au musée et sites gallo‐romains de Saint‐Romain‐en‐Gal
RD 502, 69560 Saint‐Romain‐en‐Gal
Tél. 04 74 53 74 01
https://musee-site.rhone.fr