![Georges Jacob (1739-1814, reçu maître en 1765), chaise en noyer sculpté et redoré d’époque Louis XVI (détail), vers 1784-1785. Noyer sculpté et doré, soierie, 92 x 50 x 45 cm. Estampille G.IACOB. Vente Paris, Sotheby’s, collection Guerrand-Hermès, 13 décembre 2023. Estimé : 300 000/500 000 €. Adjugé : 2 589 000 € (frais inclus). © Sotheby’s Art Digital Studio](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/01/urlhttp3A2F2Fsothebys-brightspot.s3.amazonaws.com2Fmedia-desk2Fwebnative2Fimages2F5a2F352F8c150f4b43249b762bee9eaf799c2Fpf2343-cpjvs-t1-05-scaled.jpeg)
La fin de l’année 2023 a confirmé avec panache le revival observé depuis plusieurs mois pour le beau mobilier du XVIIIe siècle, grâce aux résultats astronomiques qui ont couronné plusieurs meubles royaux, d’une qualité insigne et signés des plus célèbres maîtres ébénistes. Si certains s’apprêtent à retrouver, par la grâce de la préemption, leur destination d’origine (à l’image de la table à écrire de Louis XV en route pour l’hôtel de la Marine), d’autres échappent – parfois inexplicablement – aux collections publiques. Parmi les temps forts de l’année écoulée, il faut distinguer la dispersion des collections Guerrand-Hermès en décembre dernier chez Sotheby’s qui a tout particulièrement su affoler les enchères.
Six chaises par Georges Jacob retournent à Bagatelle
Pour le pavillon de Bagatelle, érigé par l’architecte Bélanger dans le temps record d’un mois en 1777, suite au pari pris entre le plus jeune frère de Louis XVI, le comte d’Artois, et Marie-Antoinette, Georges Jacob a fourni huit fauteuils, un paravent à quatre feuilles et seize chaises dont font partie ces six chaises provenant de la collection Greffulhe. Le dossier de ces sièges (dont le fauteuil est conservé à Waddesdon Manor, tout comme le paravent) est d’une forme nouvelle, en éventail et légèrement cintré, conçu spécialement par Jacob pour suivre le contour des murs du salon circulaire de Bagatelle. Sculptés d’une double frise de feuilles d’eau et de laurier par Jean Baptiste Simon Rode, ces sièges furent dorés par Daniel Aubert et garnis par le tapissier Nau d’un velours d’Italie vert anglais. Une autre suite de six chaises est conservée dans une collection privée mais l’on pourra admirer celle-ci qui a été acquise par la Fondation Mansart pour le compte du Pavillon de Bagatelle.
![Georges Jacob (1739-1814, reçu maître en 1765), suite de six chaises, Paris, 1778. Noyer doré, soie jaune, 90 x 50 cm. Estampillée G.IACOB, marque au feu de Bagatelle, B couronné et marque au feu du comte d’Artois, AT / GM (reprise à la dorure et équerres de renfort). Vente Paris, Sotheby’s, collection Guerrand-Hermès, 13 décembre 2023. Estimé : 200 000/300 000 €. Adjugé : 381 000 € (frais inclus). © Sotheby’s Art Digital Studio](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/01/SIX-CHAISES-PAR-G.-JACOB-RETOURNENT-A-BAGATELLE.jpg)
Commode à palmes croisées et feuilles de lierre par Cressent
Comme l’indique Alexandre Pradère, cette commode fait partie d’une série de huit modèles similaires par leurs décors de bronze doré composés de palmes croisées et feuilles de lierre, ici sur une marqueterie de croisillons et pointes de diamant en satiné, et reprenant une structure chère à Cressent avec des montants antérieurs saillants, enrichie de portes latérales. Un modèle semblable est conservé au musée de Kansas City et ses bronzes sont poinçonnés au C couronné (appliqué entre 1745 et 1749), tout comme la commode de l’ancienne collection Wildenstein et celle de l’ancienne collection Montesquiou. De ce modèle encore, l’on citera la commode du château de Prégny achetée par le baron Maurice, qui a appartenu ensuite au baron Edmond de Rothschild. La virtuosité du dessin, tant pour les bronzes que pour la forme et la marqueterie, a permis à ce meuble insigne de l’ancienne collection La Rochefoucauld d’Estissac d’atteindre un prix à la hauteur de sa qualité.
![Charles Cressent (1685-1768, reçu maître en 1708), commode, Paris, vers 1740-1750. Sapin, chêne, noyer, satiné, amarante, citronnier, marbre brèche d’Alep, 92 x 162 x 66 cm. Vente Paris, Sotheby’s, collection Guerrand-Hermès, 13 décembre 2023. Estimé : 120 000/150 000 € Adjugé : 863 600 € (frais inclus). © Sotheby’s Art Digital Studio](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/01/COMMODE-A-PALMES-CROISEES-ET-FEUILLES-DE-LIERRE-PAR-CRESSENT.jpg)
Une chaise à 2 589 000 € pour Marie-Antoinette
L’ensemble, vendu en 1793, comprenait une banquette avec coussins, une bergère, deux fauteuils, une chaise, un autre fauteuil, un tabouret de pied et un écran. Mais la disparition en 1792 des archives du garde-meuble privé de la reine ne permet pas d’établir avec certitude si le nombre de pièces de cette vente révolutionnaire fut identique à celui qui composait cet ensemble ornant le boudoir ou cabinet de la Méridienne de Marie-Antoinette à Versailles. Le tout fut adjugé au marchand Hébert à Paris, qui le vendit aux Schröder en Prusse, avant qu’un siècle plus tard, il ne soit cédé au musée des Arts décoratifs de Berlin, et n’entre dans les collections Greffulhe. La qualité éblouissante de la sculpture de cette chaise et sa provenance royale ont logiquement établi un record mondial pour une pièce du XVIIIe siècle, qui ne rejoindra pas les deux fauteuils appartenant à la livraison initiale, conservés à Versailles.
![Georges Jacob (1739-1814, reçu maître en 1765), chaise en noyer sculpté et redoré d’époque Louis XVI, vers 1784-1785. Noyer sculpté et doré, soierie, 92 x 50 x 45 cm. Estampille G.IACOB. Vente Paris, Sotheby’s, collection Guerrand-Hermès, 13 décembre 2023. Estimé : 300 000/500 000 €. Adjugé : 2 589 000 € (frais inclus). © Sotheby’s Art Digital Studio](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/01/SUBLIME-CHAISE-DE-MARIE-ANTOINETTE-PAR-GEORGES-JACOB.jpg)
La commode de BVRB pour la Pompadour au château de Bellevue
C’est à l’orée de la forêt de Meudon que madame de Pompadour fit construire en 1748 le château de Bellevue. Ce grand pavillon est l’œuvre de Lassurance, sans doute sur des plans initiaux de Gabriel qui l’agrandira dès 1767. Bernard van Risamburgh est l’un de ses ébénistes préférés comme l’atteste une paire d’encoignures estampillées et portant la marque au feu du château de Bellevue (adjugée 84 750 € – frais inclus – le 22 octobre 2008 chez Sotheby’s Paris). L’ornementation du bronze doré de cette commode appartient au répertoire de BVRB, tandis que sa marqueterie illustre à merveille la virtuosité du maître dans les jeux de frisages sophistiqués du satiné, tout comme dans la fantaisie et la liberté des réserves en amarante ornant la façade et les côtés.
![Bernard II van Risamburgh (1705-1766, reçu maître avant 1730), commode, Paris, vers 1750. Placage de satiné, amarante, bronze doré, marbre de Saint Rémy (restauré), 86,5 x 147 x 66 cm. Estampillée B.V.R.B. et marque au feu du château de Bellevue. Vente Paris, Sotheby’s, collection Guerrand-Hermès, 13 décembre 2023. Estimé : 200 000/300 000 € Adjugé : 520 700 € (frais inclus). © Sotheby’s Art Digital Studio](https://www.actu-culture.com/wp-content/uploads/2024/01/LA-COMMODE-DE-BVRB-POUR-LA-POMPADOUR-AU-CHATEAU-DE-BELLEVUE.jpg)
Françoise Rouge
Expert près la cour d’appel de Paris