
Changer la manière de parler de la Préhistoire grâce à la matière : telle est l’ambition de la nouvelle exposition du musée national de Préhistoire. En effet, transcendant les époques, le parcours, qui va du Paléolithique au tournant du premier âge du Fer, montre comment les oxydes métalliques ont été utilisés pendant des millénaires par les hommes à des fins fort diverses.
Quel est le point commun entre le bison peint d’Altamira, des blocs de manganèse de Combe-Grenal, des hachettes en cuivre de Montalivet et les bracelets en bronze de Canaval ? Tous ont été réalisés à partir d’oxydes métalliques ! C’est ce que nous comprenons au fil du parcours de cette exposition conçue sous la houlette de Nathalie Fourment, directrice du musée, et de Pauline Rolland, conservatrice du patrimoine. Présents en abondance dans la nature, les oxydes métalliques ont été identifiés très tôt par les sociétés humaines, qui les ont prélevés et transformés, broyés dans des petits coquillages ou sur des palettes, pour les utiliser d’abord pour leurs qualités colorantes – voire pour leurs propriétés antiseptiques. Ainsi des très anciens témoignages mis au jour en Afrique du Sud à Diepkloof, où l’abri, lieu même du gisement de la matière première, a livré de nombreux fragments d’un colorant rouge employé dès 110 000 ans avant notre ère par les Hommes modernes. En raison de leur capacité surprenante à être mis en forme, les oxydes métalliques deviennent, à la toute fin du Néolithique et lors des bien nommés âges des Métaux, des objets (lingots mais aussi bijoux et armes). Mais ces changements techniques n’impliquent pas forcément des bouleversements symboliques et utilitaires – et même si chacun a sa propre manière d’être travaillé, ces oxydes ont comme point commun d’être largement employés aussi bien au quotidien que dans les pratiques artistiques ou rituelles.

Des œuvres en lumière
S’appuyant sur un important chantier des collections opéré dans le cadre du plan de récolement du musée et en lien avec la recherche actuelle (dont l’ANR Color-Sources), le propos de l’exposition a ainsi pu se nourrir des derniers questionnements scientifiques et méthodologiques sur le sujet. Des pièces sont sorties des réserves pour la première fois (une soixantaine de matières colorantes du Paléolithique), d’autres, prêtées par plusieurs musées, sont aussi exposées pour la première fois (comme l’extraordinaire conque peinte de Marsoulas, datée vers 18 000 ans, ou le disque en cuivre et en or de Ribécourt-Dreslincourt). Au-delà de son intérêt pour sa capacité à questionner la couleur, sa fabrication, ses usages, sa symbolique, et à élargir les points de vue en s’intéressant à la musique (le bruit du métal par exemple) ou au monde funéraire (les défunts saupoudrés d’ocre) à travers une grande diversité d’objets, l’événement a aussi le mérite de mettre en lumière des œuvres méconnues, tels la soixantaine de perles en cuivre du Néolithique découverte à Colmar en 2008 et sans doute constitutive de deux colliers, l’épée à très fin décor polychrome en bronze incrusté de cuivre et d’or de l’âge du Bronze moyen et conservée en Suisse, ou encore un très beau gobelet en terre cuite précieusement décoré de lamelles d’étain aux reflets gris argenté.
Éléonore Fournié
« Oxydes. Couleurs et métaux »
Jusqu’au 8 mai 2023 au musée national de Préhistoire
1 rue du Musée, 24620 Les Eyzies de Tayac
Tél. 05 53 06 45 45
www.musee-prehistoire-eyzies.fr
Catalogue à commander sur : www.librairie-archeologique.com