Non loin de Châteauroux, une série de sépultures contenant les squelettes quasi intacts de 28 chevaux vient d’être mise au jour par les équipes de l’Inrap. Enfouies à la période gauloise, ces petites bêtes, moins d’1,20 mètre au garrot, sont aussi émouvantes qu’intrigantes…
Il aura fallu la réalisation, tant attendue par les habitants de Villedieu-sur-Indre, d’une déviation de route désengorgeant leur centre-ville pour que les archéologues mettent au jour ces vestiges insoupçonnés. En effet, lors du diagnostic préalable, étaient révélées des occupations préhistoriques (Mésolithique et Néolithique), voire protohistoriques (avec des traces de l’Âge du bronze) et surtout une rare parcelle de la fin du Ve siècle et du VIe siècle, assez pauvre en mobilier mais riche en trous de poteaux et en fossés (600 recensés !), reflet d’une ferme (?) avec ses bâtiments d’habitations et agricoles, son puits, sa forge et son four.
Mise en scène spectaculaire
Mais la surprise est venue quand, au sein de cet ensemble, les archéologues sont tombés sur des fosses renfermant les squelettes de 3 chiens et de 28 chevaux, soigneusement enterrés. Les datations au carbone 14 indiquent pour l’instant une large fourchette entre le Ier siècle avant notre ère et le Ier siècle de notre ère. Les animaux sont répartis dans onze fosses (la plus grande contenant dix squelettes d’équidés). Couchés sur le flanc droit, la tête au sud, les chevaux seraient des mâles, pour la plupart âgés de 4 ans (soit dans la force de l’âge), qui auraient été inhumés peu de temps après leur décès. D’après les premières observations, les squelettes ne présentent pas de lésions, qui auraient pu entraîner le décès. Des expérimentations laissent penser que ces animaux étaient montés sans étriers (qui n’existent pas encore en Europe) par des Gaulois, portant leurs armes sur leur dos.
Des analyses à venir
Inattendue, cette rare découverte a tout de suite suscité de très nombreuses questions. Mais seules les études à venir pourront y répondre : en resserrant la fourchette chronologique, elles permettront déjà de préciser la date d’enfouissement de ces équidés et la synchronicité des fosses (ont-elles été creusées en même temps, ou pas ?) ; les analyses ADN et isotopiques aideront à mieux connaître ces animaux : leur relation de parenté, par exemple, leur origine, leur alimentation, leur état de santé général et de possibles causes de décès – comme un empoisonnement ? –, mais aussi à détecter la présence éventuelle de végétaux, de parasites, de textiles (des selles ?) ; l’examen plus poussé des squelettes devrait pouvoir notamment déterminer s’ils ont été castrés (phénomène qui pousse le sujet à s’épaissir, ce qui est intéressant pour la cavalerie) et l’état de leurs dents (traces de mors ?).
À proximité d’un oppidum gaulois
Il n’en reste pas moins que ces chevaux ne sont sans doute pas décédés lors d’un sacrifice organisé pour un banquet (les sites connus par ce genre de pratique ne ressemblent pas à celui-ci), que se trouvait non loin un oppidum gaulois et que cette mise en scène spectaculaire rappelle les découvertes (toujours de l’Inrap) faites en Auvergne, sur les sites de Gondole et de l’Enfer, dans la plaine de Gergovie. Datés de l’époque gauloise, le premier a livré une fosse avec huit chevaux et huit cavaliers, et le second 53 chevaux seuls, dans 5 fosses. Comme à Villedieu-sur-Indre, aucune ne contient de mobilier et toutes sont situées non loin d’un oppidum.
Des chevaux sacrifiés ?
Y aurait-il un lien avec la guerre des Gaules ? Ces chevaux ont-ils été mis à mort avant la bataille, car souffrants et inutiles sur le champ de bataille, ou sacrifiés après avec leur chef décédé, pratique que relève Jules César dans son ouvrage (BG III, 22, 1-335) ? C’est la piste privilégiée pour l’instant…
Éléonore Fournié