
Il n’y a pas que les pharaons en Égypte ! Souvent éclipsée par l’époque dynastique, la période qui précède n’en est pas moins impressionnante. C’est ce que nous dévoile la nouvelle exposition du musée d’Archéologie nationale en s’intéressant au IVe millénaire avant notre ère et à ces tranches de chronologie connues sous le nom de Nagada I, II ou III. Un parcours, tout en céramique, précieux comme l’aube du jour.
Commissaire de l’exposition et conservatrice générale du patrimoine au musée, Christine Lorre lève le voile sur les prémisses de cette exposition-dossier : « Elle est d’abord le fruit de plusieurs circonstances favorables : nous souhaitions tirer un bilan d’une vingtaine d’années de recherches fructueuses sur cette période dite “prédynastique”, qui va d’environ 3800 à 2800 avant notre ère, présenter l’enrichissement récent, et considérable, du site Internet dédié à Jacques de Morgan (sur lequel je travaille depuis plus de 30 ans !) dans le cadre de la collection Grands sites archéologiques du ministère de la Culture, marquer le centenaire de sa disparition en 2024, nous ancrer dans la rédaction du catalogue raisonné de sa collection et, enfin, montrer notre participation au projet scientifique TECHNOPREGYPT. »

Première page d’histoire
Mettant donc en lumière les prodigieux progrès scientifiques réalisés depuis le début du XXIe siècle, l’exposition entend ainsi démontrer que la civilisation égyptienne classique n’est pas sortie « toute armée du jour au lendemain » au cours du IIIe millénaire avant notre ère. Dans cette relecture du passé, hommage est d’abord rendu aux hommes qui ont œuvré très tôt à cette réhabilitation : les frères de Morgan, Jacques (1857-1924) et Henri (1854- 1909). Si le second, parti s’exiler aux États-Unis, est davantage tourné vers le marché de l’art, son aîné (connu pour ses fouilles en Iran) explore entre 1892 et 1895 la vallée du Nil et contribue à préciser les contours de la Préhistoire égyptienne. À sa mort, il lègue au musée de Saint-Germain-en-Laye son immense collection personnelle de 8 000 pièces – dont 120 sont présentées ici.
Nagada I, II et III
Mais si Jacques est le premier à avoir convenablement identifié les découvertes que lui-même ou ses contemporains sont en train d’effectuer, le rigoureux britannique W. M. Flenders Petrie (1853-1942) est celui qui en propose un classement, toujours utilisé par les chercheurs aujourd’hui. Le parcours éclaire son travail (avec une grande planche de son classement reproduite au mur) comme il évoque en vis-à-vis le découpage typo-chronologique (appelé Nagada I, II et III) grâce à des œuvres de toute beauté – vases noirs à bord rouge, vases rouges à décor crème ou vases beiges délicatement ornés de décors rouges… – qui font oublier l’austérité du propos. Deux vidéos (un dessin animé réalisé par Past & Curious et l’intéressante expérimentation de cuisson de vases black top, obtenus par une cuisson à l’étouffée) viennent fixer dans notre esprit l’exceptionnel savoir-faire de ces artisans. Des céramiques certes préhistoriques mais qui continuent d’irriguer la recherche contemporaine, en témoignent le projet TECHNOPREGYPT ou encore la création artistique de Michel Delmotte, au titre révélateur, L’univers nagadien, qui vient clôturer cette déambulation.
Éléonore Fournié
« Terres du Nil. L’art des potiers avant Pharaon »
Jusqu’au 8 janvier 2024 au musée d’Archéologie nationale – Domaine national de Saint-Germain-en-Laye
Château – place Charles de Gaulle, 78100 Saint-Germain-en-Laye
Tél. 01 39 10 13 00
www.musee-archeologienationale.fr
À consulter : https://archeologie.culture.gouv.fr/jacques-morgan/fr